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Bavière avec la perspective des dépouilles autrichiennes et d’opposer les Wittelsbach aux Habsbourg ; Frédéric II a exploité le moyen en grand pendant la guerre de Silésie. — Bien plus surprenante à coup sûr fut une autre thèse que développa dans la même occasion le ministre de. Guillaume Ier devant son collègue de Munich, la thèse « que l’Autriche n’était ni armée ni en état de s’armer, et qu’il suffirait à la Prusse de porter un seul coup, de livrer une seule et grande-bataille du côté de la Silésie pour dicter la paix au gouvernement de Vienne[1] !… » C’est dans des dispositions pareilles que la cour de Prusse quitta Carlsbad pour s’acheminer vers Gastein, autre ville d’eaux thermales en Autriche, à proximité de la Burg impériale. Sur la route, on fit halte à Ratisbonne pour y tenir avec un certain éclat un grand conseil politique, auquel on avait mandé de Paris le comte de Goltz et de Vienne le baron Werther. De leur côté, les ministres des états secondaires de l’Allemagne, M. de Beust, M. de Dalwigk, accouraient affairés, effarés, auprès de l’empereur François-Joseph et de M. de Mensdorf. L’Europe devint inquiète et M. Drouyn de Lhuys très attentif.

Ce fut aussi à ce moment que M. de Bismarck jugea opportun de sonder le cabinet de Florence[2], avec lequel il n’avait été jusque-là en négociation que sur un traité commercial au nom du Zollverein, négociation d’ailleurs tour à tour abandonnée et reprise selon l’état variable des relations de la cour de Berlin avec celle de Vienne. Dans les premiers jours du mois d’août 1865 (le roi Guillaume Ier était déjà à Gastein), le comte Usedom vint entretenir le général La Marmora sur l’éventualité d’une alliance contre l’Autriche, et l’on se doute bien de l’accueil que fit le ministre du roi Victor-Emmanuel à une ouverture de ce genre. Ce n’était pas seulement comme patriote italien, c’était aussi comme homme de gouvernement que le général La Marmora dut saluer avec joie les événemens qui s’annonçaient, car la situation de la péninsule n’était rien moins que rassurante. Au point de vue gouvernemental en effet, la convention de septembre avait eu des conséquences très fâcheuses pour l’Italie : elle avait profondément blessé et aliéné la ville de Turin, le Piémont tout entier, et cet inconvénient n’était nullement compensé par la satisfaction maligne que pouvaient éprouver les autres provinces de la chute du piémontisme, comme on disait de l’autre côté

  1. Voyez les journaux allemands du mois d’août 1865.
  2. Sur ces premières négociations avec le cabinet de Florence, voyez Jacini, Due anni di politica italiana (Milan 1868). Nous avons pu consulter aussi avec fruit un écrit encore inédit, d’origine italienne, aux attaches semi-officielles et qui éclaire plus d’un point obscur des transactions de 1865-66. Cet écrit doit paraître prochainement sous le titre : Le Général La Marmora et l’alliance prussienne.