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comprenait guère l’opportunité qu’il y avait pour le cabinet des Tuileries de revenir de propos délibéré à cet épineux problème des rapports entre l’Italie et Rome, de toucher de nouveau à cette « pierre sur laquelle a été bâtie l’église, » et qui depuis nombre d’années était devenue pour la diplomatie française un véritable rocher de Sisyphe. Il y avait aussi quelque chose d’insolite, de singulièrement contraire à toutes les traditions du passé dans la manière dont cet arrangement mémorable fut révélé à un public qui n’y était nullement préparé. Auparavant, chacune des phases de la question italienne avait toujours été signalée d’avance par une de ces mises en scène savamment calculées pour gagner et entraîner l’opinion du pays, par un de ces écrits anonymes au retentissement européen, où le gouvernement français mettait en quelque sorte le sujet à l’étude, et donnait une direction aux esprits. La direction manqua cette fois : le pacte du 15 septembre avait été conclu en famille, n’avait été précédé d’aucun des signes précurseurs et connus, — cette fois nous n’avons pas même eu de brochure ! dit à cette occasion l’éminent écrivain qui, dans la Revue, éclairait les événemens du jour d’un esprit aussi judicieux que pénétrant[1]. Mais ce qui devait surtout surprendre dans ce traité plein d’énigmes, dont on fut loin alors d’apprécier le caractère véritable, c’était d’y voir apposé le nom de M. Drouyn de Lhuys, car personne n’ignorait dans quelles circonstances et avec quel programme cet homme d’état était venu reprendre, deux ans auparavant, le portefeuille des affaires étrangères. Il importe de rappeler ces circonstances et ce programme, il importe également de résumer en quelques mots les vicissitudes du temps qui suivit : on comprendra ainsi comment le ministre français a pu changer d’opinion au bout de deux ans et accorder en 1864 au marquis Pepoli ce qu’il avait si péremptoirement refusé en 1862 au général Durando.

La combinaison en effet que venait consacrer en 1864 le traité de septembre n’était point d’une date toute récente ; on avait déjà essayé de la faire agréer à l’empereur des Français dans le courant de l’année 1862. On était au lendemain d’Aspromonte, et M. Thouvenel dirigeait encore à cette époque les relations extérieures de la France. Le gouvernement italien, fort de la victoire qu’il venait de remporter sur Garibaldi et quelque peu sur lui-même, crut le moment favorable pour poser de nouveau la question du pouvoir temporel ; il n’hésita même point à convier l’Angleterre, pour qu’elle exerçât de son côté une certaine pression sur le cabinet des Tuileries. Il s’agissait cette fois de pratiquer le principe de

  1. Voyez la Chronique du 30 septembre 1864.