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laissé après lui la révélation ? Francis explique d’une manière toute naturelle sa nomination au conseil de l’Inde. Il la doit surtout à l’intervention bienveillante de lord Barrington. Une vacance imprévue, une demande formée à temps et bien appuyée, décidèrent une promotion qui ne fut pas remarquée au moment même, qui parut une chose assez simple, et que Francis fut loin de regarder comme une fortune inespérée. On sait maintenant qu’il avait songé de bonne heure à quelque chose de semblable. Il en parle dans ses lettres. Il écrit le 25 juin 1771 à son cousin le major Baggs : « Vous aurez de la peine à croire que l’allusion que je vous ai faite à l’Inde orientale me regardait. L’idée a été poussée assez avant ; mais, les circonstances ayant changé en ce qui touche le gouvernement de l’Inde, l’affaire est finie, et il n’en faut plus parler. » Il n’est donc pas surprenant que, lorsque le projet d’une réorganisation du gouvernement de l’Inde est revenu sur l’eau, Francis ait repris pour son propre compte une idée qui déjà une fois avait été menée assez loin et dont ses protecteurs avaient probablement été déjà entretenus, et il n’est pas besoin de supposer qu’à la violence d’une opposition haineuse il ait ajouté le tort plus honteux de désarmer à prix d’argent, de se vendre en un mot. Je n’ai pas ménagé le caractère de Francis, mais j’hésite à le soupçonner d’une bassesse sur laquelle l’orgueil lui-même ne pouvait se faire illusion. Je crois que l’odieux du rôle qu’il s’était donné était couvert à ses yeux par les périls qui l’accompagnaient, par la puissance redoutable de ses adversaires, par la légitimité et la grandeur des principes qu’il défendait, par le courage et le talent qu’il mettait à les défendre. Il n’a jamais dû se mépriser lui-même.

Voilà donc les deux points de départ de l’hypothèse de Taylor obscurcis tout au moins et transformés en difficultés qui pourraient la rendre douteuse. MM. Parkes et Merivale en l’adoptant n’adoptent pas toutes les raisons qui l’ont suggérée. Par exemple, ils n’admettent pas, si je ne me trompe, que Francis se soit vendu, et c’est surtout par de menus détails ingénieusement rapprochés que le premier me semble avoir formé sa conviction ; mais on conçoit tout le parti que peut tirer de cette nécessité de renoncer aux preuves de fait pour expliquer les faits par des hypothèses la critique forte et ingénieuse de M. Hayward. Pour moi, je crois que Francis a pu écrire les lettres contre lord Barrington ; je ne crois pas qu’il ait eu besoin de faire un honteux marché pour obtenir un emploi dont Burke, alors sans liaison avec lui, le déclarait parfaitement digne tout en attaquant dans le parlement le bill en vertu duquel il y était appelé.

Dans l’entreprise de résoudre la question d’identité de l’auteur