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« un concours national, » qui a lieu chaque année à Kensington, et auquel prennent part toutes les écoles d’art du royaume. C’est une application heureuse du système d’émulation que nous avons établi en France avec moins de succès pour les études littéraires. Dix médailles d’or, vingt médaillés d’argent, cinquante médailles de bronze, sont distribuées chaque année aux auteurs des ouvrages les plus méritans. Les élèves peuvent obtenir ces récompenses dans les différentes branches de leurs travaux, sans qu’on regarde, tant s’en faut, plusieurs nominations de ce genre comme un cumul interdite Les suffrages sont vivement disputés, et, s’il ne s’agit pas pour les vainqueurs d’aller à Rome et de voyager aux frais de l’état, le succès n’a pas moins une influence remarquable sur la carrière des élèves couronnés. Ceux qui sont le plus souvent appelés ont leur place assurée soit dans les plus importantes manufactures, soit dans le personnel enseignant de South-Kensington.

Il y a peut-être lieu de faire remarquer ici jusqu’à quel point les principes qui président à la formation de ces concours sont plus franchement libéraux que ceux qui guident et règlent les organisations des concours entre les écoles de France. Une nation qui a quelque prétention à la condescendance et à la courtoisie à, l’égard des femmes les écarte soigneusement de ces luttes, dans lesquelles on suppose qu’elles ne doivent pas avoir naturellement leur place. Sous ce rapport, nous procédons encore du moyen âge et de notre éducation religieuse. Il semble que la modestie, — c’est l’expression consacrée, — qu’on exige de la femme dispense d’être équitable envers elle, et la plupart de ceux qui ont voix délibérative sur ces matières croient se rapprocher de ce qu’ils regardent comme le dessein providentiel en tenant étroitement l’un des sexes dans un demi-jour claustral. Les Anglais sont plus hardis et plus justes que nous. Les femmes ne sont pas exclues du concours général de toutes les écoles. En outre deux prix publics des plus honorés, et connus sous le nom de fondations de la princesse de Galles, leur sont destinés : ce sont deux pensions, l’une d’environ, 300 fr., l’autre de 600, données aux jeunes filles qui ont obtenu les plus hautes mentions dans le concours. Il est à noter aussi que ces deux primes annuelles, qui dans certains cas peuvent aider celles qui les remportent à compléter leur éducation, sont gardées quelquefois plusieurs années de suite par les titulaires, mais jamais durant plus de trois ans.

Les examinateurs de South-Kensington ont à se prononcer à cette occasion sur une grande quantité d’ouvrages en tout genre. Qu’on en juge : pour le concours de 1867, on comptait plus de six cents dessins ou peintures de diverses natures et près de cent esquisses