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peu aisés, si l’on voulait à la fois obtenir d’eux des efforts de volonté et des sacrifices d’argent au-dessus de leurs ressources. On a déclaré que les artisans pouvaient ne rien payer, et la définition du mot « artisans » n’a point été resserrée dans son sens étroit, pas plus que ne l’avait été dans les règlemens sur les écoles primaires celle du mot « pauvres. » On a considéré comme artisans, non-seulement les ouvriers et les manœuvres qui reçoivent leur salaire à la fin de chaque semaine, ainsi que leurs enfans qui ne subsistent pas encore du travail de leurs mains, mais encore toutes les personnes qui n’ont pas des moyens d’existence beaucoup plus assurés, les petits marchands, les hommes qui, exerçant leur profession dans une boutique, n’ont pas d’apprentis, les charpentiers de village, les gardes-côtes, les policemen, tous ceux enfin qui sont hors d’état de pourvoir aux frais de leur enseignement. On a, par compensation, refusé le bénéfice de la gratuité à ceux qui, à quel titre que ce puisse être, doivent à l’état l’impôt de l’income-tax. Les classes du soir restent toujours sous la direction d’un comité local, qui ne peut être composé de moins de cinq personnes. Ce comité reçoit les subventions octroyées par le ministère. L’initiative de toutes les mesures, de toutes les améliorations, est prise par lui de concert avec le professeur. Ce dernier est muni d’un diplôme pour le dessin élémentaire ou du brevet de maître ès-arts. Le ministère n’entend partager ni avec le comité local ni avec le professeur son droit de juger ceux qu’il estime le plus dignes de ses récompenses. Le degré de mérite auquel les prix sont accordés est même déterminé chaque année par le comité central, qui augmente au besoin la difficulté de les obtenir, au fur et à mesure sans doute qu’il voit plus de progrès généraux réalisés et l’émulation mieux entretenue. Les arrêts des inspecteurs et des examinateurs ne peuvent être frappés d’appel.

Les encouragemens en argent sont répandus avec une véritable munificence. Les Anglais n’ont pas peur de ruiner le trésor de l’état par ces prodigalités, dont nous avons à peine l’idée. Notre organisation administrative ne nous en présente, de. quelque côté que nous nous tournions, aucun exemple. Si les Anglais cèdent parfois eux-mêmes aux velléités des dépenses guerrières, ils ont le bon sens de ne pas épuiser tellement le trésor public qu’il ne reste rien pour satisfaire à des besoins non moins pressans et rémunérer d’avance les services pacifiques qu’ils attendent des artisans auxquels ils viennent en aide. Ils montrent mieux que par des paroles, par des sacrifices d’argent, leur sollicitude pour l’amélioration des conditions d’existence de la grande armée industrielle, sur qui repose une si grande partie des intérêts et des espérances du pays. A tout artisan qui a payé pour recevoir l’enseignement, on accorde un peu