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n’eut point assez d’autorité pour apaiser l’orage, et l’orateur dut se rasseoir au milieu de violens murmures. Les esprits les moins prévenus se demandent ce qu’on peut attendre d’un clergé arrivé à un tel degré d’intolérance qu’il ne veut point souffrir la discussion même de la part d’un de ses membres les plus distingués. Ces saintes passions sont un véritable danger pour l’Angleterre, et il faudrait plaindre le chef politique décidé à se servir de pareilles armés pour s’assurer la victoire.

Il serait pourtant injuste de méconnaître qu’à côté de démonstrations où le clergé défend avec trop d’impatience sa propre cause le sentiment puritain de la vieille Angleterre s’est aussi alarmé des conséquences que pouvait entraîner l’abolition de l’église établie en Irlande. N’a-t-on pas fait depuis un siècle assez de concessions au catholicisme romain ? Est-il prudent de découvrir ainsi le protestantisme et de détruire les derniers remparts d’une forteresse déjà fort démantelée ? Ce qui ajoute encore à ces appréhensions, c’est le zèle compromettant avec lequel les catholiques ont accueilli la proposition de M. Gladstone. Beaucoup d’Anglais croient avoir de bonnes raisons pour se défier d’un parti religieux qui dans la lutte invoque la liberté, quitte à la confisquer le lendemain de la victoire. Ne l’a-t-on pas vu à l’œuvre dans d’autres pays ? La Grande-Bretagne elle-même n’a-t-elle point assez souffert des tentatives d’une église étrangère qui, sous Jacques II, travaillait par des voies ténébreuses au rétablissement du despotisme ? « Si c’est là qu’on veut vous mener, s’écriait un orateur dans un autre meeting auquel j’assistais, mille fois mieux vaut maintenir à tout prix notre position vis-à-vis de l’Irlande. Le droit d’examen en matières religieuses a été jusqu’ici le plus ferme boulevard de notre constitution. Toute mesure politique n’est point nécessairement bonne parce qu’elle émane d’esprits éclairés et sincères. Les divers partis se sont bien souvent trompés sur les moyens, et si les libéraux arrivaient à énerver la force du protestantisme en Angleterre, ils auraient travaillé de la meilleure foi dur monde contre la liberté. » Ces considérations, toutes puissantes qu’elles soient, n’ont pourtant point ébranlé jusqu’ici la confiance des massés dans ce qu’elles considèrent comme un devoir envers l’île-sœur. Du jour où les principes de la réformation seraient sérieusement menacés, c’est surtout au sein des sectes, c’est parmi les indépendans, les méthodistes, les wesleyens et dans l’église presbytérienne d’Ecosse que le vrai protestantisme trouverait ses plus ardens défenseurs. Or dans les circonstances présentes ils sont certes très loin de s’émouvoir. Les dissidens ont le courage de leurs croyances. « La justice, s’écrient-ils, l’égalité pour tous, et l’on verra ensuite de quel côté se