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très bien que leur autorité était illusoire, les pairs s’abstenaient de paraître dans la salle des délibérations. A l’unanimité, ces seize lords annulèrent le vote des communes, et fixèrent à dix jours de distance leur prochaine réunion. Avant que les dix jours ne fussent écoulés, le roi était jugé et exécuté. Quand ils se rassemblèrent de nouveau après l’ajournement, les pairs, pour se donner une contenance, votèrent quelques lois d’intérêt public, et les transmirent aux communes, qui n’y prêtèrent aucune attention. Un peu plus tard, la chambre haute fut déclarée inutile et dangereuse. Cromwell cependant créa un assez grand nombre de pairs ; il aurait bien voulu avoir une chambre des lords, mais il ne put y réussir. Les anciens pairs du royaume refusèrent de se rallier, et quant aux nouveaux, ils préféraient siéger dans la chambre des communes. Le fait est que la volonté du protecteur luttait alors contre un ordre de difficultés invincibles. La république était dans les croyances religieuses des puritains, de même que l’ancien édifice féodal s’appuyait tout entier sur les doctrines de l’église établie. On s’en aperçut bien à la restauration, où la monarchie, l’épiscopat et la pairie anglaise reparurent ensemble et par une sorte de commun effort sur l’horizon politique.

Parmi les lords temporels, les uns (et c’est le plus grand nombre) tiennent leur dignité de la naissance, les autres ont été nommés par le gouvernement. Il faut d’ailleurs bien distinguer entre les pairs anglais, créés généralement à perpétuité, les pairs irlandais, élus pour la vie, et les pairs écossais, choisis pour chaque parlement, don, la durée légale est, comme on sait, de sept années. Tous les titres de l’ancienne noblesse se trouvent représentés à la chambre haute, où l’on comptait en 1867 : 1 prince du sang (le prince de Galles), 2 ducs appartenant à la famille royale, 20 autres ducs, 19 marquis, 110 comtes, 22 vicomtes et 209 barons. Le nombre des pairs n’est limité par aucune loi du royaume[1]. Tous les souverains qui se sont succédé sur le trône d’Angleterre ont conféré cette dignité à quelques-uns de leurs sujets, soit pour récompenser des services publics, soit pour équilibrer dans l’état la situation des pouvoirs. Toutes les fois, par exemple, qu’une mesure jugée nécessaire rencontre de la part de la chambre des lords une résistance indomptable, le gouvernement n’a guère d’autre alternative que de renouveler, comme on dit, le sang de la pairie[2]. Souvent même

  1. Il est aujourd’hui de 459 membres, dont le dernier créé est le baron Napier de Magdala.
  2. Lors du premier reform bill, Guillaume IV, effrayé de l’énergie des démonstrations populaires, consentit a déplacer la majorité de la chambre en créant de nouveaux pairs favorables à cette mesure.