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n’existait pas : ils étaient en train de le conquérir les armes à la main.


« Il y a près de Hard un fossé profond ; c’est là qu’on baptisait les Souabes. Ils y étaient couchés avec des cris, avec des lamentations !… Tandis qu’on les baptisait à la mode suisse, avec l’ours de Berne pour parrain, on les entendait hurler : Ah ! quels méchans paysans ! »


Le lendemain, comme les vainqueurs n’avaient plus de souliers, ils s’en procuraient sur leurs victimes. Ils les tiraient de la glace et leur coupaient les pieds pour les faire dégeler et se chausser à neuf.

La guerre reprend une nouvelle activité au mois d’avril 1499 : le Schwabenlied nous transporte au nord, du côté de Constance. C’est le point faible ; les ennemis ont surpris le poste suisse à Ermattingen, sur une pointe avancée du lac.


« Constance, tu es pleine de finesse ; on t’a dit que le mois de mai ne fleurissait pas encore, que l’herbe n’était pas bien haute. Aussi tout ton monde de soldats n’est-il pas allé plus loin qu’Ermattingen, il ne s’est pas risqué en rase campagne avec les grossiers paysans.

« Et pourtant tu ne nous a pas échappé ; les paysans sont maîtres de tés canons. Ils t’ont dépouillée de tes beaux habits, ils ont fait danser à treize cents des tiens la danse des morts ! »


Une autre ballade raconte en détail la surprise d’Ermattingen et le combat du Schwaderloch. Elle dit comment cavaliers et lansquenets vinrent à grand bruit de chevaux et de tambours chercher les Suisses dans la plaine, comment ceux-ci, cachés par un bois, les tournèrent en silence, les prirent au milieu de leurs bagages, les poursuivirent, les culbutèrent dans le Bodensee, les mirent en pièces jusque sous les murs de Constance, qui parvint à peine à fermer ses portes. C’est l’auteur de cette ballade qui, après avoir achevé les fuyards dans les joncs du lac, se promet, comme nous l’avons dit plus haut, de revenir à la charge avec ces Souabes détestés. L’occasion ne se fit pas attendre. A neuf jours de là fut livrée la bataille de Frastenz, dans la même vallée du Rhin où la guerre avait commencé.


« Devant Frastenz, au pied du Lanzengast, ces beaux fils ont tiré trop haut par peur. La place était bonne, bonnes aussi leurs munitions : rien que le courage suisse n’a pu les détruire en si peu de temps.

« Ils parlaient comme à l’auberge, devant les pots. Apporte du vin ! Verse à boire ! Je veux boire et m’enivrer ! Les Suisses sont une troupe