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pas : on ne peut regarder ces établissemens comme des foyers d’enseignement populaire.

Quittons un instant l’Europe pour considérer ce qui se passe dans les autres continens au point de vue où nous nous sommes placé. Si la Turquie, suzeraine de l’Égypte, songe peu à l’enseignement du dessin, l’Égypte s’en occupe davantage. Est-ce à dire que cet enseignement y soit devenu populaire ? Non, il n’est pas sorti de quelques villes et de quelques écoles ; mais il faut tenir compte de ces commencemens. On ne peut demander plus pour l’heure présente. L’instruction la plus élémentaire n’étant pas mise encore à la portée de tous, le dessin ne peut être réservé qu’à quelques-uns. On doit reconnaître toutefois que, si l’on excepte certaines villes de notre Algérie, l’ancien royaume des Pharaons est la seule contrée d’Afrique où l’on paraisse se soucier encore du progrès. En 1867, les visiteurs qui entraient dans l’exposition égyptienne du Champ de Mars trouvaient d’assez grands cartons consacrés aux travaux dessinés par les élèves de l’école préparatoire aux écoles militaires. C’était de l’enseignement secondaire, supérieur même, car il n’y en a guère de plus haut dans le pays. À n’examiner que les résultats, et pour qui veut réfléchir au peu d’exercice et par conséquent d’expérience des écoliers en cette partie de leur étude, les esquisses appartenaient encore à l’enseignement primaire et restaient même fort au-dessous de quelques-unes des œuvres de nos écoles communales. Si nous laissons de côté des dessins de machines et des levés de plan assez habilement exécutés, on ne pouvait guère remarquer que quelques fleurs pauvrement dessinées, des figures nues à la mine de plomb, au pinceau, au lavis, procédé détestable qui n’exerce l’élève ni à se rendre compte de la direction des lumières et des ombres ni à assouplir sa main. Les modèles étaient mal choisis : c’étaient des soldats, zouaves ou cuirassiers de grandeur colossale, des petites filles donnant à manger à des lapins, des œuvres puériles et sans valeur. Cette pénurie de bons modèles, que nous avons à peine le courage de reprocher aux établissemens dénués de ressources, devient ici inexcusable.

Les régions de l’extrême Orient n’ont guère fourni en 1867 de renseignemens sur l’état de leurs écoles. De la Chine, nous n’avons guère vu que les outils du dessin et du coloris national, des godets remplis d’encre délayée, de carmin, de couleur chocolat, bronze et or, puis quelques roseaux, des pinceaux fort allongés, le tout renfermé dans des espèces d’étuis assez analogues à ceux des scribes de l’ancienne Égypte. Tels sont les instrumens de travail des habitans de l’Empire du Milieu. Quant à leurs moyens d’apprentissage ou d’étude, rien ne venait donner quelque satisfaction à la curiosité