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reviendra probablement l’honneur de contribuer par son attitude à mettre un terme à cette guerre. Déjà par deux fois M. Seward, qui d’ordinaire n’est pas très cordial à l’égard des états de l’Amérique du Sud, a sans succès offert ses bons offices pour amener la paix entre le Paraguay et le Brésil. Un fait récent pourrait bien le décider à intervenir d’une manière plus décisive. M. Washburn, ministre des États-Unis à l’Assomption, ayant désiré sortir du Paraguay, un petit bateau à vapeur fédéral, le Wasp, remonta le fleuve pour se mettre à sa disposition ; mais le marquis de Caxias ne permit pas au navire américain de dépasser Curupaity : le Wasp dut rebrousser chemin vers Montevideo, et par cela même M. Washburn se trouva retenu de force au Paraguay. La colère de ses compatriotes établis à la Plata et au Brésil est grande contre le marquis, et l’on disait, à tort sans doute, que M. Watson Webb, ministre des États-Unis à la cour de Rio-de-Janeiro, avait demandé péremptoirement la destitution du coupable. Quoi qu’il en soit, la république américaine est assez forte pour faire cesser la guerre ; il suffit pour cela qu’elle le veuille et le dise.

L’intervention décisive des États-Unis serait plus heureuse encore pour les envahisseurs que pour les habitans du Paraguay, car elle les débarrasserait d’une guerre criminelle où le triomphe même serait honteux. D’ailleurs le Brésil est bien près d’être épuisé, et la situation des alliés qu’il s’est acquis de gré ou de force sur les deux rives de l’estuaire de la Plata n’est guère plus brillante. A Montevideo, où les Brésiliens sont venus il y a quatre ans « rétablir l’ordre » à main armée, le désarroi est à son comble ; toutes les banques sont en liquidation, le taux de l’intérêt s’est élevé à plus de 20 pour 100, et, chose inouïe dans ce paradis des travailleurs, plus de cinq mille ouvriers sans ressources sont obligés de se disperser pour chercher de l’ouvrage dans les villes de l’intérieur. Au Brésil, la crise n’a pas ce caractère de violence soudaine, mais elle est d’autant plus redoutable, parce qu’elle a son origine dans une situation permanente que la guerre ne cessera d’aggraver. Tandis que Montevideo et Buenos-Ayres prennent seulement une part nominale à la lutte, c’est l’empire qui doit en payer tous les frais et l’alimenter de chair à canon.

Le discours prononcé par dom Pedro lors de l’ouverture des chambres brésiliennes est naturellement des plus vagues, comme le sont presque toujours les longues phrases de l’optimisme officiel ; cependant quelques paroles plaintives se mêlent à cette rhétorique pompeuse. Le rapport du ministre des finances est le complément indispensable du discours impérial, et les chiffres qui s’y trouvent disent assez quel degré de foi il s’agit de prêter aux expressions de complaisance tombées du trône. Il va sans dire que