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vice-présidence : « La situation est des plus critiques, et tout nous présage des jours de tempête. Quant à moi, chargé par la constitution de garantir l’ordre public et le régime des institutions locales, je ferai tout ce qui est dans la mesure de mes forces pour remplir cette mission… Si la république brûle, que du moins Buenos-Ayres se sauve de l’incendie, qu’elle conserve l’autonomie dont elle jouit actuellement, et, bien préparée pour résister aux mauvais élémens qui cherchent à l’entraîner, elle pourra devenir encore une fois l’arche de salut pour la nationalité argentine ! »

Les élections au second degré, qui ont eu lieu le 12 juin, ne paraissent point avoir donné la majorité au général Urquiza ; l’élu de la nation a été probablement M. Domingo Sarmiento, ancien gouverneur de San-Juan, ambassadeur de la république aux États-Unis et ministre de l’intérieur à Buenos-Ayres ; quant au vice-président nouveau, la majorité semble avoir désigné le Dr Alsina, qu’on avait à la fois porté sur les deux listes pour se rendre favorable le parti localiste de Buenos-Ayres. Dans la capitale même, 24 suffrages, sur les 28 que possède la province, ont été exprimés en faveur de M. Sarmiento, et 25 ont été donnés à M. Alsina pour la vice-présidence. Les électeurs de Cordova, de Mendoza, de San-Juan, ont également fait choix de M. Sarmiento, tandis qu’Entre-Rios et Santa-Fé ont voté pour le général Urquiza. La province de Corrientes aurait certainement ajouté ses 12 votes à ceux d’Entre-Rios ; mais précisément quelques jours avant les élections une émeute, dirigée par des amis du général Mitre et des plus opportunes pour sa politique, éclata dans la ville de Corrientes, le gouvernement fut suspendu, et les opérations du vote furent déclarées impossibles à cause de l’état de guerre. A la date du 28 juin, on savait à Buenos-Ayres que 65 votes, plus des deux tiers des suffrages connus, s’étaient prononcés en faveur de M. Sarmiento : son élection semblait donc assurée, et le succès du Dr Alsina paraissait également très probable, autant du moins que l’on peut en juger avant que le congrès, juge souverain, ait constaté la validité du vote. Au moment où le bateau à vapeur qui a porté ces nouvelles en Europe quittait les eaux de Montevideo, on ignorait encore quel avait été le candidat préféré par les provinces du nord-ouest ; mais on se répétait partout que le vieil Urquiza s’était mis à la tête de ses gauchos de l’Entre-Rios, décidé à ne pas accepter le résultat d’un vote défavorable et à comprimer la révolution suscitée contre lui dans le Corrientes. Il est fort douteux néanmoins que l’ancien caudillo ose tenter la fortune des armes et revendiquer la présidence en conquérant : il aime la paix, qui procure à son commerce de si riches bénéfices, et ne chercha point à la troubler. Pourtant il est facile de comprendre que, s’il reste isolé dans l’Entre-Rios, privé, par les machinations