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indépendance réciproque l’image des communautés brahmaniques avec autant d’exactitude que le permet la différence des peuples et des civilisations. De toutes les branches du christianisme, c’est celle-là qui se rapproche le plus de la religion primitive des Aryas, parce que c’est celle qui a reçu le moindre mélange d’élémens étrangers à la religion.

En Occident, le christianisme rencontra un état politique tout autrement organisé. Les conquêtes successives de Rome, les réformes opérées sous la république, l’extension du droit de cité, qui continua d’avoir lieu sous les empereurs, avaient donné non-seulement à l’Italie, mais au monde latin tout entier, une unité politique dont l’Occident n’avait pas encore eu d’exemple. L’établissement de l’empire acheva cette unité. Autour de l’empereur se groupèrent tous les pouvoirs publics ; la justice même se rendit en son nom, et son autorité se fit sentir jusque dans les moindres détails de la vie des citoyens. La religion nouvelle n’apportait aucune doctrine politique préconçue, et par cela même était en état de les recevoir toutes. A mesure que les centres ecclésiastiques se formèrent en Occident, on les vit se rattacher de plus en plus à l’église de Rome, et l’évêque établi dans cette ville devint le chef de ce qu’on nomma la catholicité. Il faut remarquer cependant que le titre de catholique, que s’est donné l’église de Rome, n’est pas parfaitement juste, si on le compare à la réalité des faits, car non-seulement elle n’a jamais réuni dans son unité toutes les églises chrétiennes, mais de plus, en modelant sa hiérarchie sur celle de l’empire, elle a reçu en elle un élément étranger qui lui a fait perdre son universalité.

L’histoire a prouvé et prouve encore tous les jours que cet élément est d’une nature politique, et n’a rien en lui-même de religieux. En effet, lorsque les peuples nommés barbares, presque tous de race aryenne, eurent envahi l’Occident, démembré l’empire et constitué des royaumes nouveaux, il arriva que la plus grande puissance morale de l’Europe fut celle du clergé. Quand un de ces princes de date récente voulut reconstituer l’empire, il dut s’appuyer sur l’église, lui faire des concessions d’une nature séculière, mettre entre les mains de l’évêque de Rome un pouvoir temporel qui tendit à s’accroître ; en aspirant au gouvernement universel des états, il dut reconnaître au-dessus de lui-même un maître dont il se faisait le vicaire et l’homme d’armes. Cela même ne suffisait pas, car, la puissance royale se trouvant ainsi subordonnée à celle du chef de l’église, tout ce qui dépendait du roi dépendit à plus forte raison du pape : les règles de l’église primèrent les lois et les constitutions laïques, le pape suspendit les rois en les excommuniant, et exerça sur eux un droit de suzeraineté qui touchait à