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diverses, engendrant l’innombrable multiplicité des mouvemens du monde. Que telle ait été la doctrine primordiale, c’est ce que démontre l’étude des livres sacrés de l’Inde et de la Perse. Ç’a été la première forme de cette conception qui plus tard a été nommée trinité. Quand nos ancêtres en vinrent à regarder les phénomènes de la vie, ils aperçurent en eux une variété de formes et d’aspects qui ne le cède en rien à celle des mouvemens physiques. De plus l’union constante de la vie et de la chaleur les porta naturellement à identifier ces deux choses. Le moins ne pouvant produire le plus, ils furent conduits à prêter la vie aux premiers principes du mouvement, à faire de la force motrice universelle et de ses trois formes initiales des êtres vivans. Le soleil ne fut plus simplement le moteur, il fut le père céleste, le feu fut appelé le fils, le vent fut l’esprit, dont le souffle pénètre dans tous les êtres qui respirent et y entretient la vie. C’est la seconde forme de la trinité, laquelle est d’une nature psychologique, et coordonne autour d’elle tous les phénomènes vitaux de l’univers.

La troisième se rapporte aux phénomènes de la pensée : la terre nous en offre de tous les degrés, depuis la pensée la plus rudimentaire, dont la présence peut être constatée dans les derniers des animaux, jusqu’à l’homme, où elle s’élève à la conception de vérites générales et de principes absolus. Ceux de nos ancêtres qui ont institué la religion ne se sont point demandé, comme certains esprits étroits ou prévenus parmi les modernes, si les bêtes ont une âme, car ce sont les phénomènes de la pensée, par conséquent de la vie et de la chaleur, qui manifestent ce qu’on appelle l’âme. Or ces phénomènes se remarquent, selon l’espèce, chez les bêtes comme chez nous. Ils ont donc vu la pensée répandue dans l’univers avec la vie et le mouvement. De même que le mouvement s’expliquait pour eux par la présence de la vie, la vie à son tour s’expliqua par la pensée ; enfin ce qu’il y a de changeant et de divers dans cette dernière trouva sa raison d’être dans la pensée universelle et absolue.

Le dieu qui n’avait été d’abord qu’un être brillant (dêva) fut donc ensuite un principe de vie (asura), et en troisième lieu la pensée, prise dans ce qu’elle a de plus élevé, c’est-à-dire dans son expression religieuse (brahma). Il devint possible aux penseurs d’autrefois de chercher comment ce dieu unique et suprême pouvait, en se diversifiant dans son action, devenir père, fils et esprit, — soleil, feu et vent. Nous n’avons pas à reproduire ici les discussions sans fin. qui se sont élevées sur ce sujet dès les temps du Vêda, et qui, reproduites à toutes les époques de l’histoire, sont loin d’être terminées aujourd’hui. Si Dieu a livré le monde aux discussions des