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habitans que ceux-là, nous croyons pouvoir affirmer qu’elle aurait moins de dettes. Ce ne sont pas les démolitions de citadelles qui coûtent cher.

Les trains partant de Pérouse quatre fois par jour touchent Assise, Spello, Foligno, Trevi, Spolète, Narni, Terni, autant de stations où vous pouvez vous arrêter quelques heures, car toutes vous offrent quelque chose à voir, des tableaux de maîtres ombriens, émules trop peu connus du jeune Raphaël, des églises, des couvens, des ruines, des cascades. C’est une excursion désormais facile dans des pays qui seront de plus en plus visités. De Foligno, vous pouvez tourner sur Ancône et passer encore les Apennins en vous élevant de tunnel en tunnel jusqu’à la hauteur de 535 mètres au-dessus du niveau de la mer. Entre Spolète et Terni, la voie suit le cours tortueux de la Sera, qu’elle traverse vingt-six fois sur un parcours de 7 kilomètres ; un de ces ponts en maçonnerie jette quinze arches sur le torrent. A la station d’Orte, un uniforme s’approche de la portière et vous demande votre passeport. La réclamation vous étonne : vous avez pu venir de Paris ici et traverser la péninsule entière, entrer impunément dans une cinquantaine de villes et de places fortes sans montrer ce papier inutile qui rappelle les mœurs d’un autre temps ; mais à la station d’Orte on vous le prend et on vous le garde. Orte est la première station des états du pape. Il est fort heureux qu’en six ou sept heures le train direct puisse traverser ces états dans toute leur longueur. Vous apercevez en passant des plaines désertes plantées de ruines, puis des coupoles et des fortifications ; vous vous arrêtez une heure dans un hangar flanqué d’une remise et d’un bureau de police : vous êtes à Rome. Vous repartez : nouvelles coupoles, nouvelles fortifications, nouvelles ruines, nouveaux déserts. Peu à peu tout cela se repeuple et s’égaie, la culture reparaît ; vous vous rapprochez de l’Italie, vous y êtes au-delà de Ceprano, dernière station romaine, où l’on vous rend votre passeport.

A Naples, vous retrouvez une gare monumentale, mais elle est encore en construction : ce fait qui vous frappe au premier regard résume exactement l’état de la ville. Naples est en Italie, il est vrai, par la tête et par le cœur, mais elle a encore un pied dans le royaume des Deux-Siciles. Le présent l’attire de toutes ses forces, mais le passé la retient, si bien qu’elle avance, mais lentement, s’agrandit, mais avec peine, construit des maisons, mais en laisse crouler d’autres, perce des rues, mais n’élargit pas les ruelles, dessine des squares, mais n’assainit pas les bas quartiers, creuse des puits et des bassins, mais n’amène pas d’eau sur ses collines, chasse les mendians, mais les laisse revenir, nomme des députés libéraux, mais