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repose. C’est une vieille ville qui s’entoure d’une ville neuve aux vastes quais, aux larges rues, aux maisons modernes ; mais elle a beau abattre ses murailles pour se confondre avec l’autre, la vieille ville a gardé son caractère. C’est la cité de Dante, de Michel-Ange, de Machiavel, grands noms qui, inscrits partout, gouvernent plus que jamais l’Italie ; c’est le centre intelligent qui depuis le moyen âge attaque Rome, et qui tôt ou tard doit en même temps la désarmer et la couronner.

Florence continue cette guerre contre le Vatican, elle le combat sans relâche par des entreprises plus sages et plus sûres que les expéditions de l’an dernier, elle s’en rapproche par les chemins de fer, qui portent chaque jour les bruits de l’Arno sur les bords du Tibre. On assure que le gouvernement romain a résisté longtemps à cette invasion de locomotives, il a eu mille fois raison. Il n’aurait jamais dû permettre au monde moderne, avec lequel il n’a rien à faire, d’entrer chez lui ; d’ailleurs les trains ne font que troubler le silence auguste des solitudes. Florence abuse de cette tolérance imprudente ; elle a déjà frayé trois chemins qui vont à Rome et entre lesquels vous pouvez déjà choisir. Si vous aimez la mer et les maremmes, prenez par Livourne et Civita-Vecchia, vous verrez Pise en chemin. Si vous tenez aux cathédrales, aux Pinturicchio et aux Signorelli, prenez par Sienne et par Orvieto, d’où le chemin de fer, franchissant le Tibre et perçant les roches de la Campana, doit rejoindre cette année la ligne d’Ancône. Si vous préférez Annibal et le Pérugin, choisissez la ligne d’Arezzo, qui longe le lac de Trasimène. Du wagon, vous voyez la bataille, vous la traversez. Pendant quelques minutes, en suivant la route étroite où furent cernés les hommes de Flaminius, vous êtes pressé dans ce cirque de collines qui se couronnèrent tout à coup de Carthaginois, de Gaulois, d’Espagnols, vous sentez crouler sur vous cette avalanche humaine. Assaillis tout à coup de front, de flanc, de dos, les Romains furent jetés dans le lac. Ils voulurent, dit Polybe, se cacher sous l’eau, mais les chevaux d’Annibal y entrèrent. Comme aux jours de la bataille, des vapeurs montent encore de ce grand marais sauvage et désolé. Quant au Pérugin, vous le trouvez à Pérouse, dont le musée réunit l’œuvre de ce maître, autrefois dispersé dans les couvens. Pérouse, douce capitale de l’Ombrie, est peuplée de bonnes gens qui aiment la patrie commune et qui la soutiennent par des députés peu ou point frémissans. En 1860, les Pérousins délivrés eurent un accès de colère, ils abattirent la citadelle armée contre eux par les papes ; aussitôt calmés, ils rentrèrent dès lors dans la paix la plus profonde, et malgré tous les changemens de ministère ils ont gardé depuis sept ans le même syndic. Si l’Italie n’avait d’autres