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ne traversait aucun pont, devenaient impraticables. Les enfans des familles riches étaient envoyés à l’école en terre ferme, les communications étant plus faciles entre l’île et le continent qu’entre un point de l’île et un autre. L’une des Calabres, l’Ultérieure Première, n’avait que 1 kilomètre de routes pour 2,254 habitans. Si tous ces Calabrais avaient eu l’idée de se mettre en ligne pour fêter l’arrivée de Garibaldi, ils auraient pu former une double haie suffisamment serrée sur toutes les routes qui existaient d’un bout à l’autre de leur province.

Un ancien ministre ; M. de Vincenzi, qui a étudié ces questions avec beaucoup de soin[1], nous révèle par des chiffres précis les conséquences de cet état de choses. Il affirme résolument et établit par des calculs très détaillés que, faute de routes, le gouvernement italien perd annuellement 500 millions et la nation 2 milliards. Ici les céréales surabondent, et le cultivateur reste pauvre ; ailleurs elles sont insuffisantes, et le consommateur a faim. Bien plus, les brigands sont les maîtres des forêts, des escarpemens, des broussailles ; or le brigandage coûte cher à l’état, forcé de maintenir contre quelques centaines de malandrins toute une armée sur pied de guerre. Enfin les chemins de fer deviennent ruineux là où manquent les voies de terre ; M. A. Dumont l’avait déjà-déclaré il y a vingt ans. Que n’a-t-il pu étudier le budget des lignes et chemins italiens ? Il y aurait trouvé pour sa thèse de sérieux argumens. Dans la Haute-Italie, 1 kilomètre de chemin de fer rapporte 25,000 francs et ne coûte rien à l’état ; mais la même étendue de rails ne rend que 12,000 fr. sur les lignes romaines, 6,000 sur les lignes méridionales. C’est qu’à chaque kilomètre de chemin de fer répondent dans le nord 185 kilomètres de voies de terre, dans le midi pas même 3 kilomètres 1/4. Il en est résulté que les garanties pour les chemins de fer portées sur les comptes du ministère des finances atteignaient à peu près en 1867 le chiffre énorme de 50 millions. Ce chiffre sera porté à 100 millions quand toutes les lignes seront achevées. Pour alléger son budget de ces charges ruineuses et pour devenir une grande puissance autrement que par ses soldats, l’Italie aurait à frayer 100,000 kilomètres de routes, qui, construites à grands frais, comme celles des anciens régimes, coûteraient 2 milliards.

Telles étaient les voies de communication avant 1860, et le reste à l’avenant. Les postes, dans le midi surtout, allaient à la diable ; les courriers pour les provinces partaient trois fois par semaine, le

  1. Voici ses deux brochures : Delle Condizioni della viabilità in Italia. Firenze, Eredi Botta, 1867. — Della Viabilità comunale in Italia e delle condizioni delle nostre strade ferrate. Firenze, Le Monnier, 1867. Voir aussi l’important volume du ministre Jucini : L’Amministrazione dei lavori pubblici in Italia, dal 1860 al 1867. — Firenze, Eredi Botta, 1867.