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retiendra cinq ans, abréger ainsi, pour l’activer, l’étude des langues mortes, augmenter à la fois les honoraires des maîtres et la rigueur des examens qu’ils auront à subir, — tel est le projet de loi proposé modestement, non comme idéal, mais comme pratique. L’Italie, renonçant aux pompes des théories, commence à comprendre cette vérité toute simple que, pour pouvoir ce qu’on veut, il faut se résigner à vouloir ce qu’on peut.

En revanche, l’enseignement supérieur s’est relevé, les étudians abondent. Sur ce terrain-là, la liberté a du premier jour porté ses fruits. Dès que la pensée et la parole furent affranchies, on vit surgir tout à coup des légions de savans tout armés et prêts à repeupler les quinze universités d’Italie. Il en accourut des quatre coins de l’Europe, il en descendit du haut des Alpes et des Apennins, il en sortit du fond des bagnes. Dans les interminables loisirs que leur avaient faits les petits princes de la péninsule, ils avaient eu le temps de tout lire, ou, quand ils n’avaient pas de livres, de tout deviner. C’est ainsi que recommença le mouvement d’esprit interrompu depuis des siècles ; il y eut une fureur de parler, d’écrire, d’écouter, de savoir. On compta jusqu’à 12,000 auditeurs à l’université de Naples. On lut Strauss, on lut Feuerbach, on trouva M. Renan timide. On voulut apprendre toutes les langues : de jeunes professeurs qui en savaient une vingtaine partirent pour la Perse, d’où ils en rapportèrent encore cinq ou six. Les juristes ne jurèrent plus que par Mittermaier, les médecins ne parlèrent que de Virchow. L’Allemagne, chassée d’Italie par la force, y rentra par la science, et s’y établit jusqu’à Palerme. L’alliance avec la Prusse était déjà cimentée entre professeurs avant d’être négociée entre diplomates. Le fleuve desséché reçut des torrens d’eau de toute source, et, grossi par des crues incessantes, se gonfla bientôt, déborda. Maintenant le fleuve est rentré dans son lit ; les étudians inscrits dans les quinze universités du royaume n’étaient l’an dernier qu’au nombre de 7,068. C’est là encore un chiffre officiel, bien qu’il n’ait pas encore été publié. Nous n’y comprenons pas les auditeurs de fantaisie ni les étudians d’Urbin, de Macerata et de Pérouse. Nous nous en tenons à ceux qui font des études régulières dans les quinze universités du gouvernement.

Quinze universités, c’est beaucoup peut-être, et quand on songe que l’Italie entretient de plus 210 bibliothèques publiques, 81 corps scientifiques et académies, 10 observatoires astronomiques, 26 observatoires météorologiques, 13 musées d’archéologie, 13 sociétés pour la conservation et la description illustrée des anciens monumens, 12 députations d’histoire nationale, 20 instituts de beaux-arts et de musique, 5 hautes écoles de perfectionnement, on admire à bon droit qu’un pays si pauvre dépense tant d’argent pour les plus