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aux buveurs d’Angleterre et du Nouveau-Monde, on reconnaîtra que l’Italie pour revivre n’a besoin que de savoir exploiter ses trésors. Il importe que ses amis le lui répètent sur tous les tons : c’est la terre qui est sa richesse. Elle ne saurait jamais être un grand pays manufacturier, trop de choses lui manquent, avant tout la houille. L’Italien ne paraît pas né pour le travail des machines ; ses vertus même ne l’y poussent point. Sec et nerveux, très sobre, impatient, actif et laborieux par boutades, mais bientôt découragé, mené par une imagination qui l’enlève aux nues pour le jeter après plus bas que terre, il n’a rien de l’ouvrier modèle, qui, bien nourri, grand mangeur, imperturbable, peut pendant soixante ans recommencer chaque matin le même ouvrage et le continuer jusqu’au soir avec une humeur toujours égale.

Tel qu’il est cependant, l’Italien travaille, et plus qu’on ne croit. Certes on ne peut sans injustice appeler fainéans les 21,000 Siciliens employés dans les mines de soufre ; le minerai s’extrait à dos d’homme, c’est un rude travail. Les provinces napolitaines, qui passent à tort pour être un immense couvent, fournissaient en 1861 1,180,000 artisans, c’est-à-dire les trois cinquièmes de ceux que comptait l’Italie entière. Ce gros chiffre étonne les statisticiens, qui ont tâché de l’expliquer par l’agglomération des méridionaux dans les grands centres, où le manque de routes et la peur des brigands les poussent à se réfugier. C’est ainsi que nombre de paysans deviennent ouvriers pour vivre, tandis que dans le nord, en Lombardie par exemple, une foule d’artisans sont classés parmi les agriculteurs, par la liaison que le travail de leurs petites industries, ne les occupant qu’une saison, alterne avec les travaux plus longs de la campagne, si bien que l’atelier s’établit sous le chaume ou à la ferme, rustiquement. Les artisans napolitains sont nombreux, habiles. Ils font des gants, des cordes à violon, des étoiles de soie et d’or, des macaroni, des travaux en écaille, en lave, en corail, justement célèbres. On trouve en Lombardie dans les maisons de paysans environ 300,000 pauvres femmes qui passent à filer-du lin cent cinquante jours de l’année ; elles gagnent, en travaillant bien, trois sous par jour. Elles aiment cependant ce métier qu’elles peuvent reprendre et interrompre à leur gré sans quitter la maison ni la famille. Ces libres filandières abondent aussi près de Naples, à Sorrente, Amalfi, Capri, Ischia.

En Toscane, l’agriculture et l’industrie se donnent la main. Vous y rencontrez avant le temps des récoltes, dans les champs de blé ou de seigle, des moissonneuses occupées à cueillir les longues tiges encore vertes. Elles les exposent à la rosée pour les blanchir, puis les ramassent en gerbes et les plantent sur des piquets. Les tiges