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plus de 3 sur 100 qui fussent maîtres chez eux. Ajoutons qu’avant 1859 la femme ne possédait guère ; on la considérait dans la famille comme une non-valeur, et ceci non-seulement en Sicile et dans les Romagnes, pays forcément arriérés, mais encore en Toscane et dans l’île de Sardaigne, où, sur 100 propriétaires, 3 seulement appartenaient au sexe sacrifié.

Examinons-la de plus près. cette nombreuse population de paysans qui mérite à tant d’égards nos sympathies. Ils étaient assez heureux dans ces vastes plaines de la Lombardie, si largement arrosées, où s’épanchent continuellement pendant l’été 45 millions de mètres cubes d’eau sur 550,000 hectares de terrain. Plus de 50,000 fermiers. propriétaires eux-mêmes, font paître abondamment leurs propres troupeaux dans ces pâturages toujours verts ; mais ceux-là sont les grands seigneurs du peuple agricole. Ils ont d’autres paysans sous leurs ordres, et ceux-ci font maigre même en carnaval. Plus malheureuses encore sont les pauvres femmes qui travaillent dans les rizières. Nul n’ignore que la culture du riz est une des plus riches ressources de la Lombardie et du Piémont. Il est certains endroits, dans la vallée du Pô, où l’on se croirait au bord du Gange. En été, toutes ces plaines peuvent être inondées ; quand le terrain est changé en marais, un traîneau tiré par un cheval soulève la vase, où le semeur répand la semence à la volée ; bientôt la graine a germé, la tige grandit, les tuyaux du riz se ferment : c’est alors qu’arrivent pour le sarcler des nuées de femmes, enfoncées jusqu’à mi-jambes dans cette eau bourbeuse qui leur donne la fièvre et souvent la mort.

Dans l’Italie centrale, nous retrouvons la mezzeria, le métayage. Le paysan et le propriétaire s’arrangent ensemble : celui-ci fournit la maison et la terre, l’autre donne son temps et son travail, puis ils partagent la récolte ; si ce sont des olives, le paysan n’en garde que le tiers. Tels sont les contrats qui se font dans les Marches, les Romagnes, surtout en Toscane, où la terre est morcelée en petits pouvoirs très fertiles et peu productifs. Là le paysan vit de peu, ne demandant à la terre que le pain quotidien, moins encore, car les fèves lui suffisent il les arrose d’une piquette qu’il appelle acquarello, probablement parce qu’elle a un goût d’eau très marqué. Dans l’agro de Lucques comme dans certaines montagnes du Milanais, on voit des familles de sept ou huit membres forcées de vivre sur un pouvoir de 2 hectares 1/2. Il existe pourtant des fermiers dans ces campagnes ; il en est même qui signent des contrats à Livello, c’est-à-dire, des baux à ferme qui les engagent pour plusieurs générations. Dans les Maremmes, où les propriétés de cent et même de mille hectares sont très communes, et où les