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sous les branches. Tout un monde nyctalope s’agite autour de nous sans bruit. Nous éprouvons la sensation d’un bien-être diffus dans toute la nature estivale… Est-ce l’âme spécifique qui répercute seule en nous ce mélange de calme suprême et d’activité mystérieuse répandus dans les dernières ombres ? Il y a quelque chose de plus ; notre âme personnelle observe et compare, notre âme divine perçoit et savoure.

Bonsoir, je veux dire bonjour, car un rayon rose monte là-bas derrière les vieux noyers. Endormons-nous comme nous nous réveillerons, en nous aimant !


22 juillet.

Tu n’en as pas assez ? tu veux un résumé de cette doctrine ? Oh ! je ne donne pas ce titre pompeux à ma notion personnelle de l’univers, toute notion de ce genre est trop forcément incomplète pour s’affirmer comme une découverte ; c’est un essai de méthode, et rien de plus. L’homme n’en est pas encore à posséder autre chose qu’un instrument de travail intellectuel que chacun tâche d’adapter à son cerveau, comme l’ouvrier mécontent des instrumens imparfaits qu’il trouve dans le commerce cherche à s’en fabriquer un qui réponde à la conformation de sa main.

Il y a une vérité d’ensemble, corollaire de toutes les vérités de détail. Personne ne peut nier cette proposition sans une défiance qui va jusqu’au mépris de la vérité.

Pour parvenir à la possession de cette vérité suprême, l’homme doit s’exciter, se perfectionner, se rendre apte à la saisir et à l’élucider, c’est toute une éducation qu’il doit acquérir et s’imposer à travers des angoisses et des difficultés qui exerceront et décupleront sa force morale. La plupart des méthodes qu’il a inventées sont restées sans résultat général, et les plus belles, les plus ingénieuses, n’ont pas toujours été les plus efficaces ; elles n’ont pas réussi à élever l’esprit humain plus haut que l’antithèse, qui est une impasse.

En cherchant Dieu dans l’univers, l’homme n’a pu que le chercher en lui-même, c’est-à-dire en se servant de l’induction personnelle et directe. Le premier, sauvage qui a invoqué une puissance supérieure à la nature ennemie s’est dit : Je suis trop faible ; appelons un être fort dans la nuée et dans la foudre pour éclater sur les obstacles de ma vie. De là le sentiment de la toute-puissance.

Le premier croyant qui a constaté l’insuffisance des sacrifices s’est dit qu’il fallait persuader ce Dieu qui ne se laissait point acheter par des offrandes. Il a cherché dans son cœur la fibre tendre et