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L’analyse complète de l’homme, âmes et corps, nous conduirait certainement à une notion complète de la Divinité, corps et âmes. En distinguant en nous trois étages de facultés, nous nous rendrions compte des trois étages de puissance de la vie universelle. Nous ne sortirons d’aucun problème par la notion de dualité, puisque toute dualité représente deux contraires. Ce que je dis là est aussi vieux que le monde pensant. C’est l’éternel symbole. D’où vient qu’il n’a reçu aucune application scientifique qui puisse se traduire en philosophie certaine pour les lois de la vie morale et les actes de la vie pratique ? Les explications des trinités théologiques sont des figures confuses mal comprises ou mal définies par les hommes du passé. La définition que je te propose ne vaut peut-être pas mieux. La technologie vulgaire, dont il n’est pas permis à mon humilité de se dégager, est encore très insuffisante pour résumer une vision plus ou moins nouvelle du vieux thème de l’humanité. A des conceptions vraiment neuves il faudra certes un langage nouveau.

Mais, quelque mal exprimée que soit ma définition, elle ne m’apparaît pas comme un vain songe que le réveil dissipe. J’ai besoin d’un Dieu, non pour satisfaire mon égoïsme ou consoler ma faiblesse, mais pour croire à l’humanité dépositaire d’un feu sacré plus pur que celui auquel elle se chauffe. Jamais on ne me fera comprendre que le cruel, l’injuste et le farouche soient des lois sans cause, sans but et sans correctif dans l’univers. La compensation que le malheureux demande à Dieu dans une vie meilleure est une réclamation toute personnelle que Dieu pourrait fort bien ne pas écouter, si elle n’était le cri énergique et déchirant de l’humanité entière. Nulle théorie sérieuse n’a encore présenté le sentiment et le besoin de la justice comme une illusion. Le moment où l’homme renoncerait à posséder cet idéal marquerait la fin de sa race et le ferait redescendre à l’animalité, dont il est peut-être issu. S’il existe une doctrine qui envisage ce résultat comme digne d’être poursuivi, je lui refuse tout au moins d’avoir pour guide la raison, puissance si hautement invoquée par les sceptiques.

Non, il n’y a pas de raison véritable sans sagesse ? c’est par la sagesse seule que la raison, s’élevant à l’état de vertu, devient respectable. La sagesse entraîne et réclame impérieusement la justice, et, s’il n’y a ni justice ni sagesse dans l’âme de l’univers, il n’y en a jamais eu, il n’y en aura jamais dans celle de l’homme. Que devient la morale, devant laquelle pourtant toutes les écoles s’inclinent et toutes les discussions cessent, si l’homme ne peut puiser à une source certaine les premières conditions de la moralité ?

Il existe donc dans l’univers une pensée souveraine faite de lumière et d’équité. Si les faits extérieurs simulent de temps à autre,