Page:Revue des Deux Mondes - 1868 - tome 76.djvu/763

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

splendide, je suppose, et dont les qualités de résonnance, même aux instans les plus passionnés, ne dégénèrent point en cris. Ce sont là des modèles que Mlle Hisson fera bien d’observer, tout en se remettant à ses études vocales trop tôt interrompues, et dont on peut craindre que son service au théâtre ne vienne maintenant la distraire. On dit Mlle Julia Hisson élève de M. Wartel. Au peu de chose qu’elle sait, il est aisé de reconnaître qu’elle n’est encore que l’élève de la nature, et à ce compte il y a dans cet engagement prématuré un côté regrettable. Si haut qu’on ait voulu faire sonner ces débuts, nous nous demandons quels sont les services que Mlle Hisson, avec son inexpérience du théâtre, son grand foyer vocal que rien ne règle et ne contient, peut rendre dès à présent. Osera-t-on, même au lendemain de cette fameuse épreuve, l’essayer dans Valentine, dans Alice, l’Africaine ou dona Anna ? Et d’autre part qui pourrait dire ce qu’en deux ou trois ans de travail sérieux et suivi n’eût pas fait de ces riches dispositions le professeur capable et sûr qui a mis au théâtre les Trebelli et les Nilsson ?

Les Maîtres chanteurs, dont l’Allemagne s’occupe en ce moment, ne sont pas une nouveauté, puisque dans l’œuvre de M. Richard Wagner ils prennent place immédiatement après Tannhäuser, c’est-à-dire avant Lohengrin, Tristan et les Niebelungen. Il est à croire néanmoins que la représentation aura mis en lumière des beautés musicales de premier ordre dont on s’était jusqu’à présent trop peu douté. Pour la pièce, je n’estime pas qu’en dehors de l’Allemagne elle puisse offrir aucun intérêt. C’est encore l’éternel sujet de Tannhäuser dramatisé in Callot’s manier, comme dirait Hoffmann. Aux chevaliers féodaux vocalisant à outrance sous les voûtes de la Wartbourg ont succédé les bons bourgeois de la cité impériale s’escrimant à chanter l’amour sur leurs guitares. Dans cette Allemagne pédantesquement normale et hiérarchique du moyen âge où les peintres faisaient partie de la corporation des teinturiers, les maîtres chanteurs forment une institution où nul n’est admis sans avoir dûment concouru. Le père Veit Pogner, orfèvre de son métier et dans ses loisirs dilettante impeccable, possède une jolie fille du nom d’Éva qu’il s’avise de mettre en loterie.

L’amoureux que je veux,
C’est celui qui danse le mieux,


a dit Scribe dans le Domino noir, et Corneille, dans un autre ordre d’idées et de poésie :

Sors vainqueur d’un combat dont Chimène est le prix.


A tout prendre, et loterie pour loterie, je crois que je préférerais celle du Freyschütz. Gagner une fiancée à la cible me semblé encore moins ridicule que la conquérir à la pointe d’un trille ou d’une gamme chromatique, et-ces tournois de damoiseaux pour leur damoiselle rappellent