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La culture du tabac n’est pas libre en France ; elle était autrefois limitée à huit départemens, mais les progrès de la consommation sont tels, qu’il a fallu étendre les zones autorisées, et qu’aujourd’hui dix-neuf départemens fournissent notre tabac indigène[1], qui provient en majeure partie de semences apportées originairement de l’Amérique du Nord et ensuite de La Havane. Cette culture donne lieu à une surveillance qu’on n’imagine guère et à une comptabilité des plus détaillées. On enregistre non-seulement le nombre de pieds de tabac poussés dans un champ dont la contenance est exactement connue, mais encore le nombre de feuilles de chaque tige. Elles sont l’objet de soins tout particuliers, et jamais orchidée rare fleurissant dans la serre d’un millionnaire n’a été entourée de précautions plus minutieuses. On les visite le jour et la nuit pour en écarter les chenilles, les loches et les colimaçons. Une à une, selon le degré de maturité qu’elles présentent, elles sont cueillies, puis suspendues dans des séchoirs largement aérés, où elles se dessèchent lentement sous l’influence de l’air ambiant. Les cultivateurs ne peuvent employer les graines de leur choix ; chaque année, on leur remet ce qui est nécessaire aux semis, car l’étude et l’expérience ont prouvé que certains tabacs prospèrent dans tel terrain et dépérissent dans tel autre. Il faut environ dix-huit mois pour qu’une récolte rentrée, séchée, pliée, soit mise en balles et expédiée dans un des magasins qui sont disséminés sur notre territoire à portée des centres producteurs. Là ils sont gardés dans des conditions atmosphériques qu’on a reconnues propres à n’enlever au tabac aucune qualité essentielle. Les agens chargés de surveiller la culture et de diriger le travail des magasins sont au nombre de 524. Les magasins conservent les tabacs bruts et les expédient aux manufactures selon les besoins de ces dernières. Quand le tabac a été fabriqué, il est envoyé à des entrepôts ou les débitans au détail vont s’approvisionner. La culture, les magasins, les manufactures, appartiennent à la direction-générale, les entrepôts et les débits dépendent des contributions indirectes. Il y a en France 31 magasins, 17 manufactures[2], 357 entrepôts et 38,831 débits[3]. La recette de 1867 s’est élevée à 248,652,000 francs, dont il faut retrancher environ 60 millions de dépenses générales. Paris, qui l’an

  1. Alpes-Maritimes, Var, Bouches-du-Rhône, Ille-et-Vilaine, Gironde, Lot, Lot-et-Garonne, Meurthe, Moselle, Nord, Pas-de-Calais, Hautes-Pyrénées, Landes, Bas-Rhin, Haut-Rhin, Haute-Saône, Haute-Savoie, Savoie.
  2. Bordeaux, Châteauroux, Dieppe, Le Havre, Lille, Lyon, Marseille, Metz, Morlaix, Nancy, Nantes, Nice, Paris-Gros-Caillou, Paris-Reuilly, Strasbourg, Tonneins et Toulouse.
  3. La remise totale faite en 1867 aux débitans a été de 27,672,851 fr. 50 cent. ; soit 712 fr. 64 cent, par tête.