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la réformation a suivi les mêmes procédés que celle qui a donné les papes pour successeurs des pêcheurs de Tibériade et, pour vicaires de celui dont le royaume n’était pas de ce monde. Illusion pour illusion, l’une vaut l’autre. Devant celle dont les vaudois étaient l’objet et qui venait à eux de tous les points du monde réformé, ils eurent un mouvement d’orgueil bien naturel. Les voilà, élevés sur le pavois, portés en triomphe par la grande famille réformée, ces méprisés, ces maudits du moyen âge ! Comment auraient-ils résisté à la tentation de se composer un visage, une histoire, conformes à l’idée qu’on avait d’eux ? Ils n’avaient du reste que peu à changer dans leurs traits pour offrir le type d’orthodoxie. qu’on cherchait. Nous allons les voir occuper dignement la place d’honneur à laquelle ils viennent d’être élevés.

La transformation de l’ancien valdisme en église du type calviniste s’était accomplie à un moment où l’empire et le sacerdoce avaient bien d’autres préoccupations que celle de réprimer ce mouvement. Les cadres de la grande église rompaient partout sous l’effort de la pensée nouvelle, et par les brèches ouvertes s’échappaient des peuples entiers. Assaillie dans sa capitale même par les bandes du connétable de Bourbon, l’église catholique venait de voir son maître-autel saccagé, ses temples, objets de la vénération du monde, pillés et profanés, ses cérémonies tournées en dérision, les vêtemens de ses pontifes endossés par des reîtres en belle humeur réunis en conclave et proclamant Martin Luther successeur de saint Pierre, et le pape Clément VII avait assisté à ce spectacle inouï d’une fenêtre de sa prison du château Saint-Ange. Les deux grandes puissances qui avaient jusque-là porté l’épée pour sa défense, la France et l’Autriche, sont en guerre, et entraînent toutes les autres dans leurs rivalités sanglantes. Celle qui aurait pu réprimer le mouvement religieux qui s’accomplissait dans les Alpes, la maison de Savoie, ayant voulu conserver la neutralité entre les deux rivales, est emportée dans un retour offensif de François Ier contre Charles-Quint. Elle disparaît pendant vingt-trois ans du nombre des familles régnantes. Soumis à la domination française, les vaudois profitèrent de cette politique décousue de François Ier, qui brûlait à Paris sous ses yeux les religionnaires qu’il protégeait au dehors pour les opposer à son rival : ils purent s’organiser, bâtir des temples, nouer des relations avec les réformés du dehors. C’est pendant cette période française que s’acheva la réforme vaudoise commencée par Farel, et que les barbes arrangèrent leur histoire selon les idées nouvelles. Une fois en communion avec le reste des réformés, ils furent saisis du même zèle de propagande qu’ils avaient autrefois montré à l’arrivée en Occident des cathares gréco-slaves, et ce zèle provoqua une cruelle répression. Avant même l’occupation du pays par les troupes de François Ier, la