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attitude inspirée, sa parole, qui avait, dit un historien, l’éclat et l’ampleur de celle du tribun sorti de sa parenté, frappèrent vivement l’imagination d’un peuple déjà préparé par les barbes à subir l’ascendant de l’esprit et de la foi. Toutes les résistances tombèrent, les timides reprirent courage, les dissidens se rapprochèrent, et tous, à l’exception, de nos d’eux barbes conservateurs, qui s’exilèrent volontairement et allèrent rejoindre les frères de Bohême, tous signèrent la fameuse confession d’Angrogna, le second de nos documens, celui qui nous montre l’Israël des Alpes manifesté, uniformisé et mis au pas de la réformation de langue française.

Ce n’est plus le valdisme tel que nous l’avons connu jusqu’ici qui se montre dans la « briève confession » de 1532. Tous les liens, toutes les conformités avec l’église officielle sont rompes : plus de célibat, plus de confession des péchés à la mode romaine, plus de vœu de virginité, plus d’interdiction de la propriété aux barbes ! Les sacremens sont réduites aux deux que la réformation a retenus comme étant seuls d’institution divine, au baptême et à la cène. Avec les anciennes conformités de pratique imposées par la terreur disparaissent les mœurs de la maison de servitude, les lâches compromis de la conscience, héritage dégradant des peuples depuis longtemps opprimés. En donnant la main d’association aux nouveaux frères, Israël se sent fortifié, et il déclare à la face de la terre qu’il veut servir désormais l’Éternel en toute vérité. Il a franchi sa Mer-Rouge, il renie tout ce qu’il avait conservé jusque-là de la religion d’Égypte. Il ne rejette pas seulement les anciens rapports de croyance et de culte avec Rome que nous avons rappelés ; on regrette de le voir faire aussi bon marché de ces idées et de ces mœurs naïves qui lui avaient donné une physionomie à part, de sa répugnance à prêter le serment déféré par les magistrats, de ses objections contre la peine de mort, de son principe de l’inviolabilité de la vie humaine. Tous ces traits moraux s’effacent au moment de sa manifestation, et désormais nous le verrons professer la soumission au magistrat en tant que le magistrat ne commande rien de contraire à la loi de Dieu, accepter le serment déféré, courir aux armes chaque fois qu’il sera injustement attaqué. Les barbes renoncent à leur vœu de pauvreté et à leur vie errante, ils proclament leur droit naturel de posséder des biens pour nourrir leur famille. La foi aussi se dépouille de ses anciennes formules élastiques où pouvait se loger une part d’orthodoxie catholique, et elle revêt les formules de Luther et de Calvin, précises, nettes, parfois étroites. Le dogme de la prédestination lui-même, qui avait excité de si vives objections, est accepté avec toutes ses conséquences religieuses et morales. En un mot, dans cette confession, le valdisme renouvelé croit, adore, prie et parle comme tous les autres échappés de la