Page:Revue des Deux Mondes - 1868 - tome 76.djvu/652

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
Voilà comment depuis neuf mois en çà
Je suis traicté. Or ce que me laissa
Mon larronneau, longtemps a, l’ay vendu,
Et en sirops et julez despendu.
Ce neantmoins ce que je vous en mande
N’est pour vous faire ou requeste ou demande ;
Je ne veulx point tant de gens ressembler,
Qui n’ont soucy aultre que d’assembler.
Tant qu’ils vivront, ils demanderont eulx ;
Mais je commence à devenir honteux,
Et ne veulx plus à vos dons m’arrester.
Je ne dy pas, si voulez rien prester,
Que ne le preigne. Il n’est point de presteur,
S’il veut prester, qui ne fasse ung debteur.
Et sçavez vous, sire, comment je paye ?
(Nul ne le sçait, si premier ne l’essaye) ;
Vous me debvrez, si je puis, de retour,
Et vous ferez encores un bon tour :
A Cette fin qu’il n’y ait faulte nulle,
Je vous ferai une belle cédulle
A vous payer (sans usure, il s’entend) ;
Quand on verra tout le monde content,
Ou si voulez, à payer ce sera,
Quand vostre loz et renom cessera.

Sans aller jusqu’au bout de l’épître, ajoutons le huitain qui la suit :


A UNG SIEN AMI SUR CE PROPOS :
Puis que le roy a désir de me faire
À ce besoing quelcque gracieux prest,
J’en suis content, car j’en ay bien affaire,
Et de signer ne fuz oncques si prest.
Parquoy vous pry sçavoîr de combien c’est
Qu’il veult cédulle, aflin qu’il se contente.
Je la feray tant seure, si Dieu plaist,
Qu’il n’y perdra que l’argent et l’attente.


Peut-on tendre la main d’une façon plus leste, d’un ton plus dégagé, sous un voile plus transparent, avec plus d’insistance et sans moins s’abaisser ? L’esprit relève tout. Cet art de postuler en termes délicats, presque avec dignité, qu’il s’agisse d’argent, de titres, de faveurs, la différence importe peu, cet art suprême du