Page:Revue des Deux Mondes - 1868 - tome 76.djvu/651

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
Et moi chétif, qui ne suis roy, ne rien,
L’ay éprouvé. Et vous compteray bien,
Si vous voulez, comment vint la besongne.
J’avois ung jour un valet de Gascongne,
Gourmant, yvroigne et asseuré menteur,
Pipeur, larron, jureur, blasphémateur,
Sentant la hart de cent pas à la ronde,
Au demeurant le meilleur filz du monde,
Prisé, loué, fort estimé des filles
Par les bourdeaux, et beau joueur de quilles.
Ce vénérable hillot fut adverty
De quelque argent que m’aviez départy,
Et que ma bourse avoit grosse apostume ;
Si se leva plustost que de coustume,
Et me va prendre en tapinoys icelle,
Puis la vous mist très bien soubz son esselle,
Argent et tout, cela se doit entendre,
Et ne croy point que ce fust pour la rendre,
Car oncques puis n’en ay ouy parler.
Brief, le villain ne s’en voulut aller
Pour si petit ; mais encor il me happe
Saye et bonnet, chausses, pourpoinct et cappe ;
De mes habitz, en effect, il pilla
Tous les plus beaux, et puis s’en habilla
Si justement qu’à le voir ainsi estre,
Vous l’eussiez prins en plein jour pour son maistre.
Finablement de ma chambre il s’en va
Droict à l’estable, où deux chevaux trouva ;
Laisse le pire et sur le meilleur monte ;
Picque et s’en va. Pour abréger le compte,
Soiez certain qu’au partir du dict lieu
N’oublya rien, fors à me dire adieu…
Bien tost après ceste fortune-là,
Une aultre pire encores se mesla
De m’assaillir……..
C’est une lourde et longue maladie
De trois bons moys, qui m’a toute essourdie
La pauvre teste et ne veult terminer.