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Je ne suis point vers vous allé parler :
Je n’ay pas eu le loysir d’y aller.


Le roi répond en prose, non pas à son poète, mais à la cour des aides, et par lettres missives dont voici la teneur : « nos aînés et féaux, nous avons été averti de l’emprisonnement de notre cher et bien amé valet de chambre ordinaire Clément Marot,… et nous voulons, nous mandons et très expressément enjoignons que, toutes excusations cessantes, ayés à le délivrer et mettre hors desdites prisons. Si n’y faites faute, car tel est notre plaisir. Donné à Paris ce 1er jour de novembre 1527, etc. »

Le poète fut donc élargi ; mais sa verve railleuse ne gagna pas « grand’chose en prudence. Nous le voyons trois ou quatre ans plus tard compris dans une procédure avec cinq ou six insoumis comme lui pour des méfaits ecclésiastiques, et relâché non sans peine sous la caution d’Estienne Clavier, secrétaire « des roy et royne de Navarre ; » puis enfin un plus gros orage allait éclater sur lui. L’affaire des placards avait exaspéré le roi et mis fin tout à coup à son tolérant sourire. Tant que les novateurs s’étaient bornés à parler des abus du clergé et même à mutiler quelques statues de saints, il les avait traités en étourdis sans conséquence, et n’avait sévi qu’à moitié ; mais placarder en une nuit sur tous les murs de la grand’ville, même à l’entrée du palais de justice, jusqu’aux portes du Louvre et dans son propre cabinet les plus insolentes menaces contre lui-même et contre son pouvoir, ce n’était plus de la réforme, c’était de la rébellion, le cas devenait pendable. De là ce brusque changement dans la direction judiciaire des affaires protestantes à partir de novembre 1534, de là cette procession solennelle en plein hiver, suivie tête nue par le roi, et ce discours où il jurait de se couper son propre bras et d’immoler ses fils, s’il les savait infectés d’hérésie, et cet ajournement à trois jours lancé contre soixante-treize suspects, parmi lesquels figure en toutes lettres son cher et amé valet de chambre ordinaire Clément Marot.

Clément était absent, en route pour la capitale, et s’était arrêté à Blois, sans autre pensée, nous dit-il, que de faire sa cour aux dames, lorsqu’un postillon lui donna connaissance de ce qui se passait à Paris. Prudemment il fit volte-face et courut droit en Béarn ; puis, ne s’y trouvant pas même assez en sûreté, il prit sa course vers l’Italie, passa les Alpes comme il put, dans l’hiver de 1535, et ne s’arrêta qu’à Ferrare. Là du moins un asile lui semblait assuré. Renée, la-seconde fille de Louis XII, laide, boiteuse, pédante et anti-papiste, avait double raison pour protéger Marot : il avait chanté son mariage et fuyait les rigueurs catholiques. Il fut