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prendre copie à tous ceux qui le lui demandaient et même à ceux qui ne le demandaient pas[1]. Grande émotion dans toute la ville. La grande-duchesse Élisa, sœur de l’empereur, se trouvait alors à Pise. Elle eut hâte de faire venir près d’elle le propagateur indiscret, et lui demanda s’il était vrai qu’il se fût adressé au pape au sujet de l’archevêché de Florence. Notre chanoine répondit affirmativement ; puis, la princesse désirant savoir quel motif l’avait conduit à cette démarche : « Je ne veux pas, répliqua-t-il, parler théologie avec les dames. » La sœur de Napoléon lui ayant vivement reproché de se montrer ainsi rebelle aux ordres de son frère : « En matière semblable, dit l’abbé Muzzi, je ne connais pas d’autre souverain que le pape. » Ordre lui fut alors donné de se constituer prisonnier sous trois jours à la forteresse de Forto Ferraio. « Je m’y rendrai tout de suite, » s’écria l’impétueux abbé, et là-dessus il tourna fièrement le dos à la grande-duchesse. À la même époque et pour les mêmes motifs, les chanoines Mancini et Rancia et l’avocat Pietro Valentini, qui avaient publié le bref, furent aussi arrêtés et conduits à la forteresse de Fénestrelle[2].

Les choses ne se passèrent guère différemment à Paris. Le chapitre de Notre-Dame avait pour vicaire capitulaire l’abbé d’Astros. M. d’Astros, propre neveu de Portalis, l’ancien ministre des cultes, et cousin-germain de M. Portalis le fils, alors conseiller d’état et directeur de la librairie, n’était rien moins qu’un prêtre fanatique. C’était non-seulement un esprit sage et modéré, mais pénétré de respect pour les autorités publiques, naturellement porté à la conciliation. Ses tendances étaient plutôt gallicanes, et nous avons déjà eu occasion de raconter comment il avait été en 1806, sous la direction de son oncle, le principal rédacteur du catéchisme impérial, quoique n’ayant pris aucuns part à la confection du chapitre relatif aux devoirs des Français à l’égard de Napoléon 1er. Parmi les chanoines du chapitre de Paris, il avait été l’un des plus empressés à conférer au cardinal Fesch l’administration provisoire de ce diocèse. L’abbé d’Astros n’était donc à aucun degré un homme de lutte, recherchant par goût le bruit et les éclats. Il était avant tout un canoniste consciencieux, très appliqué à rechercher quelle était dans les matières ardues de la théologie la ligne à suivre pour un fidèle catholique, et, quand il croyait ravoir découverte, très décidé à y conformer sa conduite, mais nullement disposé à se jeter dans aucune violente extrémité. Lorsque, étudiant de plus près la question des délégations capitulaires, il s’était aperçu’ qu’il s’était trompé, et qu’il avait agi sans le savoir

  1. Narrazione, etc., p. 18.
  2. Voyez la Vie épiscopale de M. d’Osmond, p. 570 et suiv.