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premier inventeur. Très versé dans l’histoire ecclésiastique de France, qu’il avait jadis étudiée à fond pour défendre l’église à l’assemblée constituante, il rappela qu’à une époque antérieure Louis XIV, tandis qu’il était en dissidence avec le saint-siège, avait trouvé cependant moyen de se passer du pape et de faire administrer les diocèses demeurés vacans par les évêques qui n’avaient pas encore obtenu à Rome l’institution canonique. Cet exemple frappa beaucoup Napoléon ; enchanté de rencontrer si à propos un pareil précédent, il chargea, suivant sa coutume, M. Bigot de Préameneu de lui faire immédiatement un rapport à ce sujet. Nous donnerons presque en totalité à nos lecteurs ce consciencieux travail, d’abord parce qu’il expose très bien la question en elle-même, ensuite parce qu’il indique parfaitement comment elle était envisagée au début soit par l’épiscopat, soit par le gouvernement, à un moment où de part et d’autre la passion ne s’en était pas encore mêlée.


« Votre majesté m’a demandé hier si les évêques nommés pouvaient provisoirement, et avant d’avoir leurs bulles, administrer leurs diocèses. Je vais rendre à votre majesté un compte exact de ce qui s’est passé à ce sujet.

« La règle est que les évêques nommés ne soient, avant d’avoir leurs bulles, ni sacrés ni installés par le chapitre. Par cette installation, que l’on appelle prise de possession, l’évêque entre en plein exercice de ses droits épiscopaux. Jusqu’alors les grands-vicaires qui, suivant les règles canoniques, sont censés tenir pendant la vacance leurs pouvoirs du chapitre, ont l’administration, excepté pour les fonctions attachées au caractère de l’évêque, telles que l’ordination et la confirmation. Lorsqu’un évêque est nommé, il est assez d’usage que le chapitre lui offre, même avant ses bulles, les pouvoirs qui dépendent de lui, ceux des vicaires-généraux, que cet évêque peut alors exercer conjointement avec les autres vicaires-généraux ; mais d’un autre côté l’usage est aussi que les évêques n’aillent point dans leurs diocèses avant d’être sacrés, et que jusqu’alors ils ne portent point la crosse pastorale. Ils ne vont point dans leurs diocèses, parce qu’il leur répugne de ne pas y paraître avec toute leur dignité, et n’étant revêtus que de pouvoirs en quelque sorte subordonnée. Ils craignent d’altérer le respect qu’il leur est utile d’inspirer. Ils se bornent donc généralement à entrer en correspondance avec les grands-vicaires, et commencent ainsi à avoir connaissance des affaires de leurs diocèses et à prendre une part réelle à l’administration. Lorsque je vis que l’affaire de l’abstention des bulles serait longue, il me parut qu’il vaudrait mieux que les évêques nommés allassent, malgré toute leur répugnance, dans leurs diocèses. Je leur communiquai mes idées ; ils me témoignèrent à cet égard une aversion extrême. Ils me représentèrent que, pour le bien même de votre majesté, il valait mieux les laisser suivre