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transporté dans le palais de l’évêque de Savone, convenablement disposé pour le recevoir. C’était le préfet de Montenotte, le baron, depuis comte de Ghabrol.de Volvic, qui avait présidé à ces divers arrangement. Le comte de Chabrol était un de ces préfets comme l’empereur savait en choisir pour administrer les provinces récemment annexées à son empire et qu’il désirait concilier à la domination française. Élève de l’École polytechnique, ingénieur très distingué, il avait fait partie de la commission scientifique adjointe à l’expédition d’Égypte. Napoléon avait gardé, bon souvenir de son intelligence et de ses aptitudes variées. Il avait pensé qu’il ne pourrait leur donner un meilleur emploi qu’en le mettant à la tête de l’un des départemens nouvellement annexés à la France. Plusieurs personnes pensèrent, même à cette époque qu’en désignant la ville de Savone pour résidence au pape l’empereur avait eu pour motif principal de sa détermination la confiance, que lui inspiraient le zèle et l’habileté de M. de Chabrol.

Quoi qu’il en soit, un nouveau fonctionnaire vint bientôt seconder le préfet de Montenotte : c’était le comte Salmatoris, particulièrement chargé d’organiser la maison du saint-père. Le comte Salmatoris appartenait à la noblesse piémontaise ; c’était à la fois un homme de cour et un homme d’affaires, qui avait donné des preuves de capacité sous le règne des princes de la dynastie de Savoie. Il passait pour s’entendre très bien aux questions d’étiquette, et l’on disait que l’empereur ne l’avait pas consulté sans profit pour régler tout le détail fort compliqué du sévère cérémonial qu’il s’appliquait alors à faire régner aux Tuileries. Le comte Salmatoris se donna à sa sainteté comme expressément envoyé par l’empereur afin de mettre sa maison sur le pied de l’établissement d’un prince souverain de premier rang. Il lui fit respectueusement observer qu’il convenait à la dignité pontificale d’avoir autour de lui un plus nombreux cortège, plus de représentation et de luxe, et tout aussitôt il se hâta de décorer les appartemens du palais épiscopal d’un mobilier somptueux. Il commanda des habits de livrée pour les serviteurs de Pie VII. Il offrit au saint-père, au nom de l’empereur, des équipages, des chevaux et un traitement de 100,000 francs par mois. Voyant que le pape se servait habituellement d’une assez méchante lampe de cuivre et d’une écritoire fort commune, il fit transporter dans son cabinet un superbe lustre d’argent, et une écritoire en or artistement travaillée. Prenant en particulier chacune des personnes qui avaient accompagné Pie VII depuis son départ de Rome, il leur annonça qu’il leur compterait chaque mois à titre d’appointemens une somme égale à celle qu’elles touchaient pour leurs fonctions auprès du pape. Toutes ces avances du comte Salmatoris demeurèrent inutiles. Pie VII refusa avec une grande