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cette réputation doivent écrire au saint-père pour lui demander ce qu’il veut faire, lui représenter que les affaires spirituelles et temporelles ne peuvent être confondues ; que, s’il n’institue pas les évêques aux termes du concordat, il s’élèvera un schisme dans l’église, et que s’il y a des troubles, ce sera au détriment de la religion[1]. » Le malheur de ce compromis fut uniquement de venir trop tard, alors que les récentes et inqualifiables violences de l’empereur en avaient rendu le succès tout à fait impossible. C’était lui-même qui d’avance avait discrédité les démarches essayées suivant ses ordres par M. Bigot auprès de la chancellerie romaine, et par les évêques de France auprès du saint-père. Leur échec fut, à vrai dire, son ouvrage. En mettant la main sur les états et sur la personne de Pie VII, il avait cru avancer l’accomplissement de ses desseins ; il les avait au contraire ruinés de sa propre main. Occupons-nous d’abord de ce qui survint à Rome.

La lettre de M. Bigot de Préameneu était adressée à M. Giry, nommé dernièrement à la place de. E. Multédo pour veiller à l’expédition dès affaires ecclésiastiques de la France à Rome. Depuis que nous n’avions plus de légation régulièrement accréditée auprès du saint-siège, M. Giry était une sorte d’agent diplomatique d’une espèce toute nouvelle, car il se trouvait, sans caractère et sans titre quelconque, chargé de traiter avec un pouvoir que son gouvernement faisait profession de ne pas reconnaître. La confusion était inextricable, et le premier embarras pour le porteur des paroles de l’empereur était de trouver à qui s’adresser et qui voulût seulement l’entendre. « J’ai vu, écrit tristement M. Giry le 26 juillet, j’ai vu le cardinal di Pietro. Il dit qu’il n’a que le pouvoir d’agir suivant les règles établies par les papes, et non celui de les changer, parce que le délégué n’est pas le supérieur de celui qui le délègue. Il faudrait donc recourir au pape ; mais il ne lui convient pas d’écrire pour un semblable sujet au saint-père, dont il ignore absolument le domicile et la situation[2]. » Dans cette première conversation de M. Giry avec le cardinal di Pietro, il n’avait encore été question que de matières relativement assez indifférentes. Plus tard, au 5 août, quand M. Giry eut reçu de M. Bigot l’ordre de faire connaîtra aux autorités ecclésiastiques romaines la déclaration de l’empereur relative aux bulles d’institution canonique, il avait rencontré les mêmes fins de non-recevoir.

« Hier, écrit-il derechef, j’ai eu une conférence d’environ une heure avec le cardinal di Pietro, reconnu ici pour avoir les seules facultés que

  1. Lettre de l’empereur à M. le comte Bigot de Préameneu, Schœnbrunn, 15 juillet 1809. — Correspondance de Napoléon Ier, t. XLX, p. 246.
  2. Lettre de M. Giry à M. le comte Bigot de Préameneu, 20 juillet 1809.