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le plus avancé des trois camps de dépôt que l’on avait résolu d’établir sur la ligne d’opérations. A partir de cette ville, les Anglais n’étaient plus sur le territoire du prince du Tigré : ils entraient dans les états de Gobhésié, qui ne demandait qu’à marcher contre Théodore, mais qui n’avait pas eu encore l’audace d’attaquer ce despote tant que les Européens n’étaient point dans le voisinage, prêts à l’appuyer. Le corps expéditionnaire s’avançait alors en trois colonnes d’environ 1,800 hommes chacune, tandis que le reste des troupes était échelonné en arrière dans les divers postes de la route. En avant, une compagnie d’éclaireurs accompagnait M. Munzinger, qui explorait les chemins et recueillait des renseignemens sur l’état du pays. Le général Merewether négociait avec les indigènes, le commissariat trouvait à acheter de la viande, de la farine et des fourrages. Jusque-là toutes les opérations s’étaient accomplies avec un bonheur merveilleux. On n’avait pas vu un ennemi ni brûlé une cartouche. N’eût été l’embarras de faire des routes à mesure que l’on avançait et l’incommodité produite par les premières pluies du printemps, cette campagne aurait pu être comparée à une simple marche militaire. Les complications allaient survenir, car le but de l’expédition était proche.


IV.

La route d’Antalo à Magdala par le lac Ashangi franchit d’abord plusieurs chaînes de montagnes d’origine volcanique, puis elle coupe la vallée du Takazzé, remonte sur les plateaux de Wadela et de Talanta, et ne présente en somme d’autre obstacle considérable que la traversée des ravins de Djidda et de Bachilo ; ce dernier est au pied des murs de Magdala. Le 12 mars, la première brigade avait quitté Antalo, le 18 elle arrivait sur les bords du lac Ashangi, et le h avril elle campait au bord de la Djidda, Il eût fallu beaucoup de temps et de travail pour ouvrir une route sur les flancs de cette crevasse, si l’armée anglaise n’avait eu la bonne fortune d’en trouver une en fort bon état par laquelle Théodore avait fait passer ses gros canons quinze jours auparavant et qu’il avait oublié de détruire. Ce souverain, parti de Debra-Tabor au commencement d’octobre, venait d’entrer à Magdala le 29 mars, ne précédant ses ennemis que de quelques étapes. Les Anglais traversèrent sur ses traces le plateau de Talanta, et enfin, le 9 avril 1868, ils campaient en haut du ravin de Bachilo, en face de la fameuse amba de Magdala.

Au centre d’une plaine basaltique, à 3,000 mètres au-dessus du niveau de la mer, se dressent à la file trois ou quatre pics isolés que des précipices de 1,000 mètres de profondeur séparent à droite et