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Tabor est la capitale, s’était soulevé, et le cruel tyran, pour se venger de cette révolte, avait brûlé les villages, tué ou chassé les habitans, et transformé en un lugubre désert cette contrée autrefois si fertile. Le chemin de Debra-Tabor à Magdala était souvent coupé par les rebelles. Théodore, n’ayant pas un lieu sûr où déposer ses trésors, ne se déplaçait plus sans emmener avec lui tout ce qu’il possédait; sa marche était encore ralentie par les huit canons que les ouvriers européens lui avaient fabriqués, et dont il ne voulait pas se séparer. Assurément le négus n’était pas un adversaire redoutable, la moindre troupe européenne en fût venue à bout; mais on ne pouvait l’atteindre qu’en traversant cent quarante lieues de pays insurgé.

Quels étaient ces rebelles qui tenaient la campagne entre la côte de la Mer-Rouge et le centre de l’Abyssinie? En quoi pouvait-on espérer leur appui ou craindre leur hostilité? Le Choa formait autrefois un royaume indépendant gouverné par un prince éclairé, Sahela Selasie, que Théodore avait détrôné. Menilek, petit-fils de ce roi, était encore en 1865 dans les prisons de Magdala; mais il venait de s’évader. Ses compatriotes l’avaient reçu avec enthousiasme; le Choa avait donc reconquis son indépendance, et l’armée du jeune Menilek menaçait d’attaquer Magdala par le sud-ouest. Les Anglais avaient quelque raison de croire qu’ils seraient appuyés de ce côté, ou tout au moins qu’ils n’y rencontreraient aucune opposition. Tout à fait au sud du lac Tzana, le Godjam était en pleine insurrection; mais il leur importait peu, cette province n’étant pas sur leur ligne de marche. Au centre, les provinces montagneuses de Waag et de Lasta obéissaient à un chef énergique, le waagchum Gobhésié, le plus ardent adversaire de Théodore. Gobhésié avait essayé de conquérir le Tigré en 1866; la population l’avait mal reçu, et lorsqu’il s’était retiré, un nouveau prétendant du nom de Kassa avait été reconnu pour maître incontesté de cette province. Chacun de ces petits souverains semblait disposé à bien accueillir les Anglais, s’ils arrivaient, seuls et surtout sans les Égyptiens; mais il était à craindre qu’en accordant à l’un d’eux un appui trop exclusif on ne déterminât les autres à se coaliser par jalousie contre l’ennemi commun.

La première question à examiner était de savoir par quel côté on entrerait en Abyssinie. Les voyageurs qui nous ont fait connaître l’intérieur de ce pays ne se sont guère occupés d’étudier les chemins par lesquels une armée d’invasion pourrait gravir les pentes abruptes du plateau éthiopien; ils ont tous suivi les sentiers ordinaires des caravanes. Cependant, d’après leurs relations de voyage et d’après les indications plus précises que donnèrent ceux d’entre eux qui étaient alors en Angleterre, le gouvernement bri-