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La réponse de lord Stanley est datée du 20 avril. « Jusqu’à ce moment, dit le chef du foreign office, le gouvernement de sa majesté avait voulu croire que les intentions du roi Théodore étaient pacifiques, et, quoique exprimées sous une forme inusitée en Europe, qu’elles avaient pour base le désir d’introduire en Abyssinie la civilisation éclairée des autres nations chrétiennes; mais le roi ayant oublié que la personne d’un ambassadeur est sacrée, et retenant dans les chaînes M. Rassam, que sa majesté avait chargé d’une mission auprès de lui, nous pensons que ce souverain n’a pas des intentions pacifiques, et que le projet d’entretenir des relations amicales avec lui doit être abandonné. » Toutefois ne voulant pas en venir tout de suite aux extrémités, lord Stanley chargeait le colonel Merewelher de faire parvenir un dernier avis au monarque. Cette lettre, envoyée pour plus de sécurité en triple expédition et par trois voies différentes, était une sommation d’avoir à mettre les prisonniers en liberté. Si ceux-ci n’étaient pas arrivés à Massaoua dans un délai de trois mois, la rupture devait être définitive. Il est superflu de dire que ces trois mois s’écoulèrent sans qu’on eût aucune réponse de Théodore. Le cabinet anglais n’avait pas attendu ce dernier délai pour commencer ses préparatifs militaires. Le ministère de la guerre et celui de l’Inde avaient été mis en demeure d’organiser l’expédition qui était désormais inévitable. Le sentiment public s’indignait déjà que le gouvernement eût montré tant de patience envers un misérable despote africain; on réclamait, au nom de l’honneur outragé, une répression prompte et sévère.


III.

Ce que nous avons dit en commençant de la configuration géographique du massif éthiopien montre assez que conduire une armée jusqu’au centre de ces montagnes était une lourde entreprise. Il ne suffisait pas, comme on aurait pu le croire, d’envoyer deux ou trois navires sur la côte et de débarquer quelques compagnies de matelots ou de fantassins. D’après les avis les plus récens, les prisonniers auxquels le cabinet anglais s’intéressait le plus, c’est-à-dire MM. Cameron et Rassam avec les gens de leur suite et les missionnaires, étaient enfermés dans la forteresse (amba) de Magdala, à 550 kilomètres environ du littoral. Théodore résidait à Debra-Tabor, et conservait à Gaffat, tout près de là, les ouvriers européens, missionnaires laïques de l’évêque Gobat. L’armée de ce souverain, jadis si nombreuse, s’était évanouie; à peine conservait-il encore quelques milliers de soldats. Le Begamider, province dont Debra--