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Rouge ; des autres côtés, il est borné par des déserts peu connus. Vue d’ensemble, cette région ressemble à un vaste plateau de 2,000 à 3,000 mètres d’altitude, dont les flancs sont presque inaccessibles et dont la partie supérieure est découpée par des vallées profondes. Les deux rivières principales, l’Abaï et le Takazzé, qui sont des affluens du Nil d’Egypte, se sont creusé un lit dans des ravins abrupts, et ont une allure torrentueuse en raison de la forte pente du terrain. L’Abaï, que l’on désigne quelquefois sous le nom de Nil-Bleu, présente un caractère assez remarquable : il se replie sur lui-même en spirale. Au centre de cette spirale, et dans l’espace compris entre l’Abaï et le Takazzé, se dressent deux chaînes de montagnes qui forment une saillie notable au-dessus du niveau général du pays. Les pics les plus élevés dépassent 5,000 mètres, ce qui est plus que la hauteur du Mont-Blanc. Il serait inutile d’insister davantage sur les traits saillans de la géographie abyssine. Un coup d’œil jeté sur une carte, — cette contrée est figurée avec assez d’exactitude sur nos cartes modernes, — en apprend plus qu’une longue description. Disons seulement que le climat, malgré le voisinage de l’équateur, est tempéré, grâce à l’élévation des montagnes, et présente un contraste salutaire avec les chaleurs brûlantes des plaines de sable d’alentour : le thermomètre y oscille entre 14 et 27 degrés. Au voisinage des sommets, il fait même presque froid ; cependant on ne voit nulle part de neiges perpétuelles. L’hiver de cette région est la saison des pluies, qui dure d’avril à octobre. Pendant ces six mois, les rivières se transforment en torrens, les sentiers deviennent impraticables, les habitans sont contraints de rester sédentaires.

Quant aux subdivisions politiques, il y en a trois principales : le Tigré au nord, l’Amhara au centre et le Shoa au sud. Chacune de ces provinces se partage en plusieurs petits districts qu’il n’y a pas d’intérêt à énumérer pour le moment, car le nombre et l’étendue en varient fréquemment suivant les hasards de la guerre. L’Abyssinie appartient à un peuple qu’il est permis de considérer comme autochthone, en ce sens qu’il n’y a pas de tradition relative à son arrivée dans le pays ni de trace d’habitans plus anciens. Cette population doit être un rameau de la race blanche aborigène, à laquelle appartint jadis presque toute la moitié septentrionale de l’Afrique ; cette population s’est conservée assez pure dans les montagnes centrales de l’Amhara, tandis qu’à l’ouest elle s’est alliée aux nègres du Soudan, et que sur les bords de la Mer-Rouge elle a subi l’influence sémitique des invasions arabes. Vers le midi, elle a pour voisins les Gallas, tribus à peau blanche et à cheveux lisses qui ont probablement la même origine, mais qui n’ont pas été dé-