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Vus sous un bon microscope, ces infusoires présentent un admirable spectacle. Les monades, que l’on compte parmi les créatures les plus simples et les plus petites, apparaissent comme des corps globuleux, très contractiles, presque diaphanes, qui se meuvent avec lenteur au moyen d’un long filament; les paramécies, couvertes de cils vibratiles disposés en séries régulières, se montrent sous des formes variées dues à leur état de mollesse; les colpodes se distinguent à une échancrure latérale de leur corps oblong; les kérones se reconnaissent à des appendices garnis de cils en perpétuelle vibration. Tous ces infusoires ciliés, nageant avec une incroyable agilité à l’aide de leurs cils, ont une bouche et de nombreuses cavités intérieures que l’on a considérées comme des estomacs. Ce sont les globules transparens que Leeuwenhoek signalait. Généralement très voraces, les infusoires attirent vers leur bouche, soit des parcelles de végétaux, soit des animalcules de très petite taille et les engloutissent en un moment. Sans avoir observé, on ne saurait se figurer les scènes qui se passent dans une goutte d’eau. Un procédé très facile à mettre en pratique permet de voir de la façon la plus charmante le chemin que suivent les alimens dans le corps des animalcules. Un peu de carmin pris au bout d’un pinceau et mêlé à l’eau dans laquelle s’agitent les petits êtres est la seule chose nécessaire. Les infusoires produisent avec leurs cils des courans qui amènent à leur bouche toutes les particules, et l’observateur voit aussitôt la belle couleur rouge remplissant un premier estomac, puis un second, puis un troisième. Les cavités qui constituent l’appareil digestif étant disposées à peu près en anneau, lorsque le carmin a passé de l’une à l’autre jusqu’à la dernière, il se trouve expulsé par l’orifice qui lui avait donné passage. Peu d’instans suffisent pour suivre de l’œil la course de la matière colorante emportée dans un tourbillon.

Il y a deux siècles, les plus habiles investigateurs s’appuyant d’observations précises et d’expériences concluantes repoussaient déjà avec énergie l’idée de la génération spontanée, vieille croyance qui n’a jamais reposé sur autre chose que l’ignorance du mode de reproduction de certains animaux. De temps à autre cependant, malgré les progrès de la science, elle a reparu isolément, car la croyance générale chez les anciens plaisait toujours à quelques imaginations. De nos jours, la génération spontanée a encore été invoquée pour donner l’explication de l’apparition rapide des infusoires dans toutes les eaux. Les expériences, reprises avec toutes les précautions usitées par les savans de l’époque actuelle, ont mille fois fourni la preuve que les germes ou les œufs des infusoires sont apportés avec les poussières dont l’air ne cesse d’être chargé, et que jamais les animalcules ne se montrent dans les eaux pur-