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Leeuwenhoek s’était d’abord uniquement occupé du sang de l’homme; mais à des époques successives il observa ce liquide chez plusieurs mammifères, le bœuf, le mouton, le lapin, la chauve-souris, et toujours il trouva les corpuscules de forme arrondie, semblables à de petites lentilles. Son attention se porta également sur le sang des oiseaux, de la grenouille, de quelques espèces de poissons, et il constata que chez ces animaux ovipares les corpuscules sanguins sont aplatis et de forme ovalaire. Aussi appelle-t-il ces derniers des particules, réservant le nom de globules pour ceux de l’homme et des mammifères, qu’il croyait sphériques. Il jugeait assez bien de la dimension relative des corpuscules du sang. Très petits chez les mammifères, plus gros chez les oiseaux, beaucoup plus gros encore chez les batraciens et les poissons cartilagineux, ces corpuscules augmentent de volume avec une sorte de régularité quanti l’organisme se simplifie.

Leeuwenhoek aurait pu déjà apercevoir cette tendance de la nature ; mais nous savons que son esprit le portait peu à tirer des déductions de la connaissance des faits. Ce qui l’intéressa au plus haut degré, c’est l’observation du mouvement circulatoire. Malpighi avait vu ce spectacle sur les poumons et sur les viscères de la grenouille ; Leeuwenhoek devait le voir à son tour d’une manière très heureuse chez différens animaux. Sur les oreilles des jeunes lapins, où la peau a encore une grande transparence, il distingua très nettement à l’aide de son microscope le passage du sang des artères dans les veines. Les chauves-souris étaient devenues pour notre naturaliste un objet de tentation. Ces mammifères n’ont-ils pas des ailes membraneuses parcourues par de nombreux vaisseaux très apparens à la vue simple? Un beau soir, Leeuwenhoek se met à l’affût; il s’empare d’une chauve-souris, et il passe plusieurs heures à contempler les courans sanguins sur l’aile de l’animal convenablement attaché.

S’apercevant que la membrane qui unit les doigts des pieds de la grenouille est bien transparente, il applique le microscope sur cette membrane, et ici le spectacle est beaucoup plus saisissant: les corpuscules sanguins ayant un volume plus considérable que chez les mammifères, avec un grossissement médiocre on les voit sans peine entraînés comme dans un rapide torrent. On arrive à les compter dans les vaisseaux capillaires, où leur marche est ralentie par leur choc contre les parois, et où ils se mettent à la file les uns des autres. Les extrémités des jeunes têtards de grenouilles, les nageoires des poissons et particulièrement de l’anguille ne se montrent pas moins favorables pour l’observation de la circulation du sang. Leeuwenhoek ne se lassait point de regarder le beau phénomène, et c’est avec bonheur qu’il conviait ses visiteurs à le con-