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seur d’un cheveu ou d’un poil de la barbe. Il manifeste souvent une prédilection pour les grains de millet, et à une époque un peu avancée de sa carrière il aime à prendre pour terme de comparaison les globules du sang, qui lui rappellent une de ses premières comme une de ses plus importantes découvertes.

Leeuwenhoek avait près de quarante ans, et jamais son nom n’avait été prononcé hors du cercle de ses amis. Une circonstance sans doute très fortuite le mit sur le chemin de la célébrité. Un témoin de ses études en comprit l’intérêt, et bien probablement décida l’auteur à rédiger une notice sur quelques-unes de ses observations pour les livrer à l’appréciation d’un savant. Le 19 mai 1673, un anatomiste célèbre, Régnier de Graaf, apportait à la Société royale de Londres une notice ayant pour titre : Spécimen d’observations faites au moyen d’un microscope inventé par M. Leeuwenhoek, en Hollande. « La personne qui communique ces observations, dit Régnier de Graaf, nous informe, dans une lettre datée de Delft, qu’un M. Leeuwenhoek a récemment inventé des microscopes surpassant tous ceux qui ont été construits jusqu’à présent, soit par Eustachio Divini, soit par d’autres. Comme preuve de l’excellence de ses instrumens, l’auteur a consigné diverses observations, et il est prêt à recevoir quelques tâches difficiles, si les curieux se plaisent à lui en adresser, comme certainement ils ne manqueront pas de le faire. » Les observations consignées dans la lettre ont trait aux caractères des mousses, dont on avait conçu l’idée la plus inexacte, ainsi que le constate l’auteur, aux parties extérieures de l’abeille, les pièces de la bouche, l’aiguillon, les yeux, et enfin à certaines particularités de conformation d’un petit animal parasite de l’espèce humaine. En examinant l’abeille, Leeuwenhoek avait vu, ce qui avait déjà été signalé par R. Hooke, les yeux de l’insecte composés d’une multitude de facettes hexagones; il en conçut l’idée au moins singulière que l’abeille est une créature sans art et sans intelligence, travaillant d’après le modèle tracé par la lumière qu’elle perçoit. Les observations du naturaliste hollandais furent accueillies par les membres de la Société royale avec un vif intérêt; on témoigna l’espérance de les voir continuer. C’était un véritable encouragement pour l’homme isolé dont les recherches n’avaient jusque-là excité que la curiosité toute naïve d’amis ou de gens incapables d’en comprendre la portée. Désormais c’était la grande Société royale de Londres, c’étaient des savans que l’on comptait parmi les plus hautes illustrations du monde, qui allaient s’occuper des travaux de l’humble habitant de Delft. Leeuwenhoek poursuivit alors ses investigations avec une ardeur sans pareille. Examinant tout ce qui lui tombe sous la main, il transmet successivement et à de courts intervalles des séries d’observations sur les sujets les plus