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Malgré tout, cet homme remarquable à tant de titres n’en sera pas moins l’auteur des découvertes brillantes qui, en élargissant dans des proportions immenses le champ de l’investigation, deviennent l’origine d’une foule d’études fécondes pour le progrès des sciences naturelles. Les savans les plus considérables, les penseurs les plus illustres, ont témoigné leur estime à l’observateur habile, patient et ingénieux; les plus hauts personnages leur ont donné des marques de leur considération, et, comme il est tout à fait naturel, le gouvernement de son pays n’a jamais songé à lui faire une situation digne de son mérite.

Antoon van Leeuwenhoek naquit à Delft le 24 octobre 1623, de parens fort obscurs qui, selon toute apparence, n’étaient pas dans la pauvreté. L’enfant fut envoyé à l’école à Warmond et ensuite à Benthuizen, une bourgade que sa famille était venue habiter. Ses études furent très sommaires. Son père étant venu à mourir, sa mère le mit à l’âge de seize ans chez un négociant d’Amsterdam pour lui faire apprendre le commerce des draps. Le jeune Leeuwenhoek devint caissier et teneur de livres dans cette maison; mais le métier, paraît-il, plaisait médiocrement au futur micrographe. Il rêvait de la nature, de l’observation des objets microscopiques, de la construction des instrumens d’optique. Des relations avec quelques personnes instruites avaient sans doute inspiré au jeune homme le goût de ces études, et alors le désir de posséder assez de liberté pour se livrer à son goût avait commencé à agiter son âme. Après quelques années de séjour à Amsterdam, Leeuwenhoek quitte la boutique du drapier et retourne à Delft, sa ville natale. Il ne tarde point à s’y marier avec une jeune fille du nom de Barbe de Mey, qui lui donna cinq enfans, trois fils et deux filles; mais de tous ses enfans une seule fille vécut assez pour lui faire élever un tombeau. Leeuwenhoek perdit bientôt sa compagne, et, n’étant pas absorbé par ses recherches au point de tout oublier pour elles, il contracta un nouveau mariage. Il passa une partie de sa jeunesse sans emploi, probablement fort occupé de la construction de ses microscopes et peut-être déjà heureux des observations qu’il ne faisait encore que pour lui-même. La place de gardien de la chambre des échevins de la ville de Delft lui ayant été offerte, il l’accepta, et il la conserva pendant trente-neuf années: cette charge lui laissait presque tout son temps libre, ce qui explique l’activité dont il fit preuve pendant la plus belle période de sa carrière scientifique. Position au reste bien médiocre que celle de gardien de la chambre des échevins de Delft! On l’a donnée habituellement et surtout de nos jours à de vieux domestiques honnêtes qui avaient besoin de renoncer à un service fatigant. Les compatriotes de Leeu-