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pu se procurer, et alla mourir à l’hôpital à l’âge de soixante-dix-huit ans. Cette dernière circonstance a été contestée. En mourant, Aldrovandi légua ses manuscrits au gouvernement de son pays; le sénat de Bologne ayant dépensé des sommes considérables pour les publier, cette munificence, aux yeux de Cuvier, tendrait à prouver que le savant n’a pas dû être laissé dans la misère. Est-ce bien une raison? Un homme distingué ne trouvant que l’indifférence pendant sa vie et devenant après sa mort l’objet d’une juste considération, ce n’est point assurément là un fait sans exemple. Les œuvres d’Aldrovandi se composent de treize volumes; il y en aurait eu vingt, si tous les manuscrits avaient été imprimés. C’est, avec un texte médiocre, une grande collection de planches qui ont été fort utiles jusqu’au moment où la zoologie descriptive prit le caractère de précision propre à la science moderne.

Au XVIe siècle, la botanique aussi eut un maître. Andréa Cesalpino, né à Arezzo en 1519, professeur à Pise et ensuite médecin du pape Clément VIII, fut le premier inventeur d’un système de classification pour les plantes et le premier investigateur sérieusement attaché à l’étude de la structure des végétaux. Cesalpino n’a pas été seulement un profond botaniste; familiarisé avec les études d’anatomie, il vit, comme Servet et Colombo, que le sang sortant du ventricule droit du cœur va aux poumons, puis revient des poumons dans le ventricule gauche du cœur, et le premier il employa l’expression de circulation pulmonaire. Le premier encore, il insista sur ce fait capital, que, lorsqu’une veine est liée, le gonflement a toujours lieu au-dessous de la ligature et jamais au-dessus. Suivant quelque apparence, Cesalpino avait soupçonné la circulation générale du sang.

Au XVIIe siècle, l’amour de l’étude des phénomènes de la vie se prononce avec une nouvelle énergie. Plus que jamais, l’observation et l’expérience sont proclamées les seuls instrumens du progrès, et, par l’expérience et l’observation, des résultats saisissans viennent répandre une merveilleuse clarté sur une foule de questions. La décadence était venue pour l’école de Padoue. Venise, engagée dans la guerre contre les Turcs, avait cessé de prodiguer ses encouragemens à la science. Heureusement il y avait alors en d’autres parties de l’Europe des hommes habiles. Un médecin anglais à qui l’avenir réservait une haute illustration donna la preuve de la plus admirable pénétration d’esprit et du jugement le plus solide. William Harvey, né à Folkstone le 2 avril 1578, avait étudié la médecine à l’université de Cambridge. L’étudiant, avide de savoir, comprit que pour son instruction il importait d’aller visiter les écoles de la France et de l’Allemagne, et surtout de séjourner en Italie.