Page:Revue des Deux Mondes - 1868 - tome 76.djvu/377

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nières extrémités. Quincy, secrètement averti par Calhoun, dépêche immédiatement un envoyé à Boston pour y porter l’importante nouvelle. Les négocians de cette ville furent, grâce à son zèle, avertis avant ceux de Baltimore; ils se dépêchèrent de remplir leurs navires et de leur faire prendre la mer avant le terme fatal où les ports allaient être refermés. Malgré le service que Quincy rendit au commerce de Boston, les fédéralistes du Massachusetts, partisans de la paix à tout prix, blâmèrent vivement l’attitude que Quincy avait prise au congrès. Ils s’emportèrent contre leur député en reproches qui blessèrent profondément sa susceptibilité hautaine; ils l’accusèrent de sacrifier son parti et de pactiser secrètement avec l’administration. Quincy fut trop sensible à ces attaques, et c’est à ce moment qu’il prit la résolution de quitter le congrès et de renoncer aux affaires publiques. Cette abdication préméditée montre bien qu’il y avait chez lui un fonds de faiblesse sous des dehors si fermes et si vigoureux, car la position intermédiaire qu’il avait prise entre les démocrates et ses propres amis lui assurait une importance qui eût grandi, s’il avait eu plus de constance. Ennemi de la guerre, mais prêt à la faire pour l’honneur et l’indépendance des États-Unis, sans haine contre l’Angleterre, mais décidé à résister à d’injustes prétentions, il représentait à ce moment les véritables intérêts de son pays.

Quincy raconte comment la longue résistance de Madison fut enfin vaincue. Le président appartenait cœur et âme à la politique de Jefferson, et s’accrochait comme un naufragé à son système. Il croyait que la guerre lui ôterait toute chance de réélection; mais un comité de la chambre vint le trouver, et Henry Clay, parlant au nom de ses amis, lui déclara que, s’il se décidait à déclarer la guerre, le parti démocratique le choisirait pour son candidat à la prochaine élection présidentielle; s’il résistait aux vœux du parti, on serait obligé d’en chercher un autre. L’ambition de Madison triompha de ses principes. Il demanda cependant que l’initiative d’une déclaration belliqueuse partît du congrès; mais quelques jeunes députés à peine connus lui déclarèrent presque brutalement qu’il eût lui-même, et sous sa seule responsabilité, à conseiller la guerre au pays. Madison céda, et le marché fut conclu. Fidèle à la promesse qu’on lui avait arrachée, Madison envoya le 1er juin 1812 au congrès un message confidentiel où il recommandait une déclaration de guerre. Les deux chambres se hâtèrent de voter un bill qui autorisait le président à commencer les hostilités. Quincy fut chargé par l’opposition de rédiger une adresse où le parti fédéraliste exposait ses vues et ses sentimens en ces graves conjonctures. La confiance qu’on lui témoignait encore ne changea point la résolution qu’il avait prise de renoncer aux luttes poli-