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d’énergie la théorie de la limitation du nombre des états. Il ne dépendait pas, selon lui, du caprice d’une assemblée d’altérer la nature du pacte fédéral en introduisant dans l’Union des associés nouveaux vivant en dehors des limites primitives des États-Unis. Cette faculté une fois admise, où s’arrêterait-on? Les États-Unis devaient-ils ressembler à un théâtre dont les décors pourraient être reculés indéfiniment? Il terminait son discours sur ce sujet par ces paroles menaçantes : « Je suis forcé de déclarer que, si cette loi est votée, les liens de cette Union seront virtuellement dénoués, que les états qui la composent seront affranchis de leurs obligations morales, que ce sera le droit de tous et le devoir de quelques-uns de se préparer à une séparation, amiable si c’est possible, violente s’il le faut. » Cette déclaration est demeurée célèbre, et elle a été souvent rappelée pendant la guerre civile. On a cherché à y reconnaître la doctrine de la sécession et l’affirmation des droits de souveraineté absolue des états. En réalité, Quincy voulait non pas la souveraineté, mais la limitation des états. Le souverain était bien à ses yeux l’être moral qui a nom les États-Unis, et les états ne rentraient dans leurs droits de souveraineté que si on leur imposait des obligations, des solidarités et des associations contraires à la constitution fédérale. Les événemens ont donné tort toutefois à la théorie de Quincy. Le peuple américain a prouvé qu’il avait la double volonté de créer à sa guise des états nouveaux et de retenir tous les états anciens et nouveaux, quels qu’en fussent le nombre, la latitude et la longitude, dans une puissante unité. Le parti démocratique a longtemps fait servir au seul profit de l’esclavage cette vague et insatiable ambition, naturelle pourtant et légitimée par les devoirs mêmes d’une civilisation expansive et sans entraves; mais les défenseurs de l’esclavage ont senti se tourner un jour contre eux l’effort de cette grandeur nationale qu’ils avaient tant contribué à enfler.

Une fraction guerrière et anti-britannique s’était formée dans le parti démocratique. Henry Clay, du Kentucky, en était le chef actif et remuant. Pour exercer plus d’influence, il avait quitté le sénat, et à la fin de 1811 il avait été porté à la présidence de la chambre des représentans. Les démocrates modérés, bien que nourrissant des sentimens très hostiles à l’Angleterre, reculaient encore devant l’idée de la guerre, et restaient attachés au système inauguré par Jefferson. L’embargo et le non-intercourse n’avaient pourtant arraché à l’Angleterre aucune concession, et avaient complètement ruiné le commerce américain. Les démocrates ardens, conduits par Clay et par Calhoun, n’avaient que des mépris mal déguisés pour les théories philanthropiques et pacifiques de Jefferson, et préparaient les esprits à la guerre. L’opinion publique les soutenait, et poussait