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le jour d’un cri rauque, et, prenant son essor, il gagne la plaine ; il y reste jusqu’à huit ou neuf heures du matin, rentre ensuite dans les taillis, d’où il sort vers trois et quatre heures de l’après-midi pour retourner au gagnage jusqu’au crépuscule ; alors seulement il revient au bois, se perche isolément ou en compagnie sur quelque arbre branchu, répète son cri et s’endort. Comme la perdrix, le faisan mange les semences de toutes les céréales ; mais il fait sa nourriture ordinaire des baies de certains arbustes et des larves des insectes qu’il peut prendre. Avec ses habitudes régulières, son vol lourd, l’attrait qu’il offre au chasseur, on conçoit qu’il aurait bientôt disparu de la surface du pays, si son éducation n’était dans certains départemens l’objet de soins particuliers ; c’est surtout dans ceux de Seine-et-Marne, de Seine-et-Oise et de l’Oise, où la grande propriété domine, qu’on a pu installer des faisanderies en assez grand nombre.

Ces établissemens ont pour objet de récolter les œufs pondus par les poules faisanes, de les faire couver par des poules ordinaires, et d’élever les jeunes faisandeaux jusqu’à ce qu’ils puissent se tirer d’affaire par eux-mêmes. Les jeunes faisandeaux sont nourris de larves de fourmis qu’on fait recueillir dans toutes les forêts du voisinage. À défaut de cet aliment, on leur donne une pâte faite de bœuf bouilli, d’œufs durs, de pain et de chicorée sauvage. On peut évaluer, d’après le Nouveau Traité des chasses, à 23,290 francs les frais d’établissement d’une faisanderie, et les dépenses annuelles à 7,760 francs ; quant au produit, il serait de 900 faisans et de 3,000 œufs, valant ensemble 8,790 francs. On voit que les frais sont à peu près couverts, même en tenant compte de l’intérêt du capital déboursé. En Allemagne, où l’on s’attache à se rapprocher le plus possible de l’état de nature, les dépenses sont moins élevées encore, et laissent plus de marge aux bénéfices.

On parvient à rendre une chasse giboyeuse, moins en y apportant du gibier vivant qu’en permettant à celui qui s’y trouve de s’y multiplier, c’est-à-dire en détruisant activement tous les animaux nuisibles qui peuvent s’opposer à la reproduction. Ces animaux sont les renards, les fouines, les belettes, les chats, les oiseaux de proie, qui se nourrissent de jeunes faisans, de lapins, de levrauts : pour les détruire, les gardes se servent de leur fusil, de pièges et d’assommoirs. Ce dernier mode de destruction est le plus simple et le plus économique. L’observation ayant fait découvrir que les carnassiers des forêts, belettes, rats, putois, fouines, ont l’habitude de suivre les chemins frayés pour ne pas se mouiller dans l’herbe, on trace dans les jeunes taillis des sentiers de 50 centimètres de large où on dispose de 50 en 50 mètres un piège consistant en une