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vient souvent à échapper à la meute, qu’il fatigue avant d’avoir été forcé par elle. La poursuite du chevreuil et celle du lièvre offrent à peu près les mêmes péripéties. Quant à la chasse au renard, c’est un exercice éminemment anglais, qui n’est qu’un prétexte de courses à cheval à travers les champs et les plaines.

La vénerie est un art français, et les chiens dont on faisait usage autrefois étaient fort renommés. Les principales races sont, d’après le Nouveau Traité des Chasses, les chiens de Bresse, les griffons de Vendée, les chiens de Gascogne, les chiens de Saintonge, les chiens normands, les chiens du Poitou, les chiens céris, les chiens d’Artois et les chiens bleus, dits foudras. Toutes ces races ont des qualités spéciales et sont parfaitement appropriées au pays qui les ont produites ; il est toutefois très rare de les rencontrer pures, car dès le XVIIe siècle on les a mélangées de sang anglais. Les chiens français en général ont une belle gorge, mais ils chassent lentement, et souvent mettent dix heures à forcer un cerf. C’est pour ce motif qu’on a eu recours aux races d’outre-Manche, qui sont beaucoup plus rapides, mais qui ont l’inconvénient d’avoir très peu de voix. Aujourd’hui, quand la chasse marche bien, une meute de bâtards anglais force le cerf en trois quarts d’heure. Aux dernières expositions canines, on a pu voir quelques belles meutes de chiens français, notamment celles de M. Le Coulteux de Canteleu et de M. de Carayon-Latour ; mais les meutes de chiens anglais ou bâtards anglais étaient en majorité. On cite notamment comme très remarquables celles de M. le comte d’Osmond, celle de M. Simons, celle de M. de La Rochefoucauld, celle de M. de La Debutrie, etc.

Mais une meute ne suffit pas pour former un équipage de chasse à courre, il faut encore des chevaux et des hommes. Pour les premiers, on en trouve toujours dès qu’on y met le prix. Les pur-sang anglais sont préférés, surtout dans les forêts de plaine, car ils ont plus de fond et des allures plus élastiques que les chevaux français ; cependant beaucoup de chasseurs aujourd’hui adoptent l’anglo-normand comme ayant un meilleur caractère et exigeant moins de soins. Dans les terrains accidentés, il vaut toujours mieux prendre des chevaux du pays, qui sont acclimatés et dont le pied est façonné aux mouvemens du sol. Quant aux hommes, d’un aveu général, il est impossible d’en trouver qui, comme les anciens piqueurs, soient dévoués à leurs maîtres et se fassent un point d’honneur de mener leurs chasses à bonne fin. Aujourd’hui ils changent d’équipage à tout propos et servent de préférence, non pas le maître qui chasse le mieux et qui a la meilleure meute, mais celui qui paie le plus et qui s’y entend le moins, auquel par conséquent il est le plus facile d’en imposer.