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diocre qui est généralement abandonné aux chiens ou aux valets.

La chasse à courre n’a donc pas d’utilité immédiate, c’est un simple plaisir qui réunit à l’exercice du cheval la satisfaction de la difficulté vaincue, la jouissance du son des trompes, des hurlemens des chiens emportés sous les ombrages séculaires d’une vieille futaie. Ce plaisir quelque peu barbare, puisque après tout il repose sur les tortures d’un malheureux animal poursuivi et parfois dévoré par les chiens, paraît cependant si inhérent à notre nature que de tout temps on s’y est livré avec fureur, La chasse à courre s’exerce encore aujourd’hui à peu près comme autrefois, et les veneurs qui se disent classiques se piquent d’observer encore les règles et les coutumes du XIIIe siècle, règles et coutumes dont l’ensemble constitue ce qu’on a appelé la noble science de la vénerie. On était alors savant à bon compte. Disons cependant, pour être justes, que la plupart des chasseurs modernes ont un peu abandonné l’ancien cérémonial, et qu’ils ont le bon sens de n’attacher d’importance qu’aux choses qui en ont réellement, c’est-à-dire à détourner le gibier et à le prendre à la course.

Les animaux qu’on chasse à courre sont le cerf, le chevreuil, le sanglier et le lièvre. Parfois aussi on attaque le loup, quand on a des chiens qui consentent à empaumer cette voie, ce qui est assez rare. Il faut en outre avoir soin de disposer à l’avance un certain nombre de relais, car le loup, étant plus vigoureux que le chien, ne pourrait jamais être forcé par lui sans l’appui de nouveaux renforts. Le meilleur équipage de France est celui de M. le comte Le Coulteux de Canteleu ; composé de chiens vendéens-nivernais, il chasse le loup avec un grand succès. Ne faisant pas ici un traité de vénerie, nous nous bornerons à décrire sommairement la chasse au cerf, qui suffira pour donner une idée des autres.

Le cerf se plaît dans les hautes futaies de chênes et de hêtres entrecoupés de prairies, de ravins, de ruisseaux et de rochers, dans ces profondes solitudes dont M. Courbet a si bien su rendre la poésie. Il finit cependant par s’habituer au voisinage de l’homme, car en France il se rencontre surtout dans les grandes forêts du nord et du centre, comme celles de Lyons, de Villers-Cotterets, de Chantilly, d’Orléans, de Compiègne, de Fontainebleau et de Rambouillet, qui sont toutes traversées par des chemins de fer et sillonnées de routes très fréquentées. Ces forêts ont été de tout temps spécialement affectées aux chasses et percées pour cet objet. Contiguës à d’anciennes résidences royales ou seigneuriales, elles semblent destinées à donner au paysage toute sa splendeur. En général une immense avenue débouche en face du château, tandis que des allées latérales ouvertes en ligne droite se croisent dans tous les sens, et