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sons de la trompe et aux aboiemens de la meute. La plus légère violation à ces règles donnait lieu à des discussions interminables, enregistrées par les Dangeau de l’époque.

Les fanfares des trompes accompagnaient toujours ce cérémonial. Cet instrument, déjà employé par les Francs, était dans l’origine semi-circulaire et en ivoire ; on l’appelait alors oliphant, et l’on y soufflait à pleines joues. Il ne pouvait fournir qu’une seule note, et les diverses sonneries consistaient en articulations plus ou moins prolongées de cette note unique, à laquelle les veneurs donnaient le nom de mot. Diverses combinaisons de ces mots servaient à indiquer aux chasseurs l’appel, le bien-aller, le requesté, la vue, le forcé et la prise. Plus tard on fit usage de petites trompes de métal repliées sur elles-mêmes de façon à former une espèce d’anneau au milieu de la courbe, comme les cornets des postillons allemands. À la trompe à la Dampierre, adoptée sous Louis XIV, succéda la trompe à deux tours et demi, qui est employée de nos jours. Les sonneries ont été réglées avec soin, de façon à indiquer exactement les diverses phases de la chasse.

Pendant que le roi et la noblesse se livraient à leurs plaisirs, les paysans mouraient de faim et supportaient non sans murmurer les exactions dont ils étaient l’objet. Les anciennes ordonnances avaient stipulé, il est vrai, leur droit à des indemnités pour les dégâts commis soit par le gibier, soit par les chasseurs ; mais on conçoit combien il leur était difficile de se faire rendre justice. L’ordonnance de 1669 et des instructions postérieures avaient prescrit la destruction de tous les lapins compris dans les capitaineries ; néanmoins, outre que ces ordonnances ne furent jamais exécutées, ce n’était là qu’un faible dédommagement aux vexations dont propriétaires et paysans étaient l’objet. De nombreux abus venaient notamment de la louveterie, qui avait été instituée en 1404 pour débarrasser le pays des animaux féroces. Les officiers qui en faisaient partie convoquaient à leur gré les habitans des villages pour faire des battues, et frappaient de peines pécuniaires très élevées ceux qui ne s’y rendaient pas, ou prélevaient des taxes arbitraires sur chaque habitant selon l’importance des prises[1]. Cependant ces vexations étaient peu de chose encore, si on les compare à celles qu’avaient à supporter les propriétaires compris dans l’enceinte d’une capitainerie.

Une déclaration royale faisait savoir que les terres situées entre certaines limites formeraient à l’avenir une capitainerie. Dès lors sur toute cette surface, parfois très considérable, la chasse apparte-

  1. La Chasse, son histoire et sa législation, par M. Julien.