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turalisation tendant à restreindre les acquisitions d’immeubles par les étrangers, projet dont l’adoption serait regrettable à tous égards. Cette prospérité soudaine, le rayonnement d’un bien-être inaccoutumé, étaient de nature à faire impression sur les esprits : aussi en Bohême et même en Gallicie il existe une sourde agitation pour obtenir l’autonomie. Eh bien! tous ces progrès réalisés dès le début du régime constitutionnel, toutes ces espérances, ne peuvent se maintenir qu’avec la paix. Pour la Hongrie surtout, la guerre serait une sorte de suicide. La Hongrie résistant à la guerre, la cour de Vienne est paralysée, et la neutralité forcée de la cour d’Autriche écarte les chances d’une conflagration européenne.

Il ne faut pas s’y tromper, le morcellement du patrimoine impérial des Habsbourg est un fait plus considérable, un fait qui trouble plus profondément les traditions et les visées de la politique internationale, que tout ce qui se passe dans le nord de l’Allemagne au profit apparent de la maison des Hohenzollern. Toutefois les peuples qui échappent à l’ancien absolutisme de la cour de Vienne ne prétendent qu’à une indépendance relative : ils ne portent en eux ni les élémens ni l’idéal d’une république; ils ne veulent pas s’exposer aux agitations qu’entraîne un changement de dynastie. à leur convient loyalement de conserver à leur tête un prince de la maison de Habsbourg comme chef du pouvoir exécutif, mais à la condition qu’il se renfermera dans les principes rigoureux du système parlementaire, qu’il régnera sans gouverner. Si l’héritier du Habsbourg se résigne à ce rôle, il aura chance de perpétuer son pouvoir, calme et respecté, en rendant à la cause du progrès européen le même genre de service que rend la reine d’Angleterre à la nation britannique. Si au contraire ce prince considère la transformation de ses états comme un de ces incidens contre lesquels un souverain peut réagir par la violence ou la ruse, s’il manœuvre pour ressaisir son ancienne initiative, s’il prétend entraîner malgré eux ses anciens peuples dans des alliances et des manœuvres tendant à la guerre, il peut mettre en jeu dans cette dernière partie sa double couronne.

Voyons à l’œuvre la nouvelle constitution austro-hongroise. Supposons qu’il ait été résolu dans les conseils intimes du palais de Vienne de frapper un coup politique et d’en appeler aux armes. L’armée telle qu’elle est ne suffit pas, il faudra de l’argent et des soldats. Que se passera-t-il? Il faudra avant tout que le souverain fasse approuver le principe de la guerre par deux diètes; il faudra en outre obtenir l’assentiment et l’accord des deux délégations sur les questions irritantes que soulèvera le partage des dépenses et des contingens. Les débats qui ont eu lieu récemment à la diète de Hongrie de même qu’au parlement de Vienne ont montré combien