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Nous avons fait une remarque dont la portée politique n’échappera sans doute à personne. Sous la vague impression des souvenirs de 1849, on est porté à croire que la vie et l’indépendance nationales sont encore tenues en échec par les antagonismes de races. Les ennemis de la Hongrie sont habiles à exploiter ce préjugé : le budget hongrois en fournit la réfutation à chaque page. En ce qui concerne la Transylvanie et les confins militaires, groupes importans, puisqu’ils comprennent 3,200,000 habitans sur 15 millions, les dépenses et les recettes sont continuellement confondues dans les comptes généraux du royaume. Cette fusion d’intérêts n’est-elle pas un signe du fusionnement des races? La Transylvanie participe d’ailleurs au vote des impôts par ses députés, qui siègent à la diète de Pesth, et elle a un représentant au sein du ministère. A l’égard des Slaves de la Croatie, qui ne comptent d’ailleurs que pour un seizième dans la population totale, les plus grands ménagemens sont observés : on leur laisse les bénéfices de l’assimilation sans leur demander le sacrifice de leurs mœurs et coutumes. On compte sur le temps et sur l’attraction des intérêts pour user les dernières résistances. La Croatie n’a déjà plus d’articles spéciaux dans le budget des recettes. Les impôts, qu’elle paie librement, sont confondus avec les autres dans le trésor commun: mais on respecte ses habitudes administratives, et on ne lui envoie de Pesth que les fonctionnaires qu’elle demande. Voilà pourquoi le budget des dépenses présente encore une allocation spéciale de près de 5 millions sous ce titre : « chancellerie aulique de Croatie-Slavonie. »

L’ensemble des dépenses ci-dessus mentionnées, montant à 251,417,500 francs, composent le budget des besoins ordinaires. Viennent en outre les besoins extraordinaires. M. de Lonyay s’est appliqué à ne comprendre sous cette rubrique que des dépenses strictement exceptionnelles et n’étant pas de nature à se renouveler. Telles sont les constructions de bâtimens pour plusieurs administrations nouvelles à Pesth ou ailleurs, l’établissement de quatre grands ponts et divers travaux hydrauliques, l’extension des lignes télégraphiques, une très forte subvention accordée à la Transylvanie pour l’aider à payer sa part dans le rachat des droits féodaux. La dépense essentielle dans l’ordre des besoins extraordinaires est la création des chemins de fer et des canaux : on y a affecté pour l’exercice 1868-69 une somme de 50 millions, prise sur le produit de l’emprunt contracté au commencement de cette année. L’état a déjà traité à forfait avec plusieurs entrepreneurs pour certaines lignes, et les travaux sont commencés sur divers points. En résumé, les besoins extraordinaires font pressentir une dépense totale de 88,372,000 francs.