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sang nouveau. On peut aussi pratiquer des transfusions partielles, injecter du sang oxygéné dans un organe, dans un membre, dans une tête dont les élémens n’ont point encore perdu irrévocablement leurs propriétés physiologiques. On connaît les expériences de M. Brown-Séquard. Il a montré que des membres humains séparés du corps, après avoir perdu la contractilité musculaire, pouvaient la recouvrer momentanément quand on y injectait du sang artériel. On connaît aussi l’essai fait sur une tête de chien récemment coupée : quand on y injectait du sang par la carotide, l’animal exécutait des mouvemens de la face et des yeux qui paraissaient dirigés par la volonté.

En terminant ces rapides indications sur la physiologie du sang, nous arrivons à une théorie importante dont M. Claude Bernard a été l’initiateur; nous voulons parler des circulations locales et du jeu des nerfs vaso-moteurs. La circulation générale du sang, telle qu’elle était connue depuis Harvey, ne rendait pas compte de la diversité des phénomènes circulatoires qui se produisent dans les différens organes. Un seul moteur, le cœur, pousse le sang dans les artères, d’où il passe par les vaisseaux capillaires dans les veines, qui le ramènent au cœur. Comment ce phénomène unique se résout-il en des effets très divers dans les différentes parties de l’organisme? Comment chaque organe a-t-il sa circulation indépendante, sa nutrition spéciale, son fonctionnement distinct? On peut dire que l’on connaît maintenant le principe général de ces différences. Vers 1852, M. Claude Bernard fit connaître une expérience qui fut comme la première lumière jetée sur cette question. En coupant sur le cou d’un chien le nerf grand sympathique, il vit que les petites artères se dilataient et qu’il y avait surabondance de circulation avec augmentation de température du côté de la face où ce nerf était coupé. Venait-on à exciter par le galvanisme le bout supérieur du nerf divisé, les artères se contractaient et la température s’abaissait. Ces essais permettaient de supposer que le grand sympathique joue le rôle de nerf constricteur pour les petites artères et sert h. ralentir la circulation capillaire. En 1858, M. Claude Bernard compléta sa découverte en constatant qu’il y a aussi des nerfs dont l’effet est inverse et dont l’excitation augmente le calibre des artères. Il le montra sur le nerf de la corde du tympan qui se rend à la glande sous-maxillaire. Ces expériences, vérifiées depuis et complétées par de nombreux travaux, menèrent à cette conclusion, que le système nerveux peut modifier localement la circulation capillaire et atteindre ainsi la vitalité des divers élémens que cette circulation nourrit. Par ce double mode d’action, resserrement ou dilatation de la tunique musculaire des vaisseaux, le système nerveux gouverne tous les phénomènes de circulation locale. En même